Rezension über:

Philip Egetenmeier: Zwischen zwei Welten. Die Königsfreunde im Dialog zwischen Städten und Monarchen vom Jahr der Könige bis zum Frieden von Apameia (306–188 v. Chr.) (= Hamburger Studien zu Gesellschaften und Kulturen der Vormoderne; Bd. 13), Stuttgart: Franz Steiner Verlag 2021, 326 S., 5 Tbl., ISBN 978-3-515-12996-1, EUR 60,00
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Rezension von:
Ivana Savalli-Lestrade
CNRS-ANHIMA, Paris
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Ivana Savalli-Lestrade: Rezension von: Philip Egetenmeier: Zwischen zwei Welten. Die Königsfreunde im Dialog zwischen Städten und Monarchen vom Jahr der Könige bis zum Frieden von Apameia (306–188 v. Chr.), Stuttgart: Franz Steiner Verlag 2021, in: sehepunkte 21 (2021), Nr. 12 [15.12.2021], URL: https://www.sehepunkte.de
/2021/12/35795.html


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Philip Egetenmeier: Zwischen zwei Welten

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Depuis l'article fondateur de Christian Habicht sur la «classe dominante dans les monarchies hellénistiques», paru en 1958 [1], l'entourage des rois hellénistiques a fait l'objet de nombreux travaux, qui ont considérablement enrichi nos connaissances sur la composition et le rôle de ce groupe social que les Grecs appelaient d'une manière générale les philoi (les «amis») d'un souverain, à la jonction entre le monde des cités et le monde des rois. Ce n'est que justice, puisque ces hommes étaient en effet, selon l'heureuse formulation de John K. Davies, devenue canonique dans l'historiographie récente sur le sujet, «the human hinges of hellenism, not just channels of communication but basic load-bearing components of the system. That their status was ambiguous was the whole point». [2]

L'ouvrage de Philip Egetenmeier, issu d'une thèse de Doctorat, s'appuie sur un corpus documentaire déjà constitué et sur une doctrine désormais consensuelle pour analyser la mise en place de la représentation des philoi dans la communication entre les rois et les cités, pour l'essentiel à travers l'analyse des décrets civiques en l'honneur de ces personnages et à un moindre degré à travers les lettres royales. Les chapitres 3-5, qui forment le cœur de l'ouvrage, suivent d'ailleurs, comme expliqué d'emblée par Egetenmeier, le modèle des décrets honorifiques, depuis la présentation de l'identité et des actes du philos au vote des récompenses et aux dispositions sur l'érection de la stèle inscrite et parfois d'une statue.

L'étude porte sur la période comprise entre l'«année des rois« (306 a. C.), qui marque conventionnellement le début des monarchies issues de la partition de l'empire d'Alexandre, et la paix d'Apamée (188 a. C.), qui inaugure une profonde mutation politique dans la Méditerranée, avec l'essor de l'hégémonie de Rome et l'effacement des rois. Cette délimitation chronologique a l'inconvénient d'écarter de l'enquête bon nombre des proches des Attalides, même si certains apparaissent occasionnellement dans le texte. Quant au groupe des «amis royaux», Egetenmeier s'en tient à une définition très large: sont considérés comme tels tous les Grecs qui, par leur rôle d'intermédiaires entre la cour et la cité, ont facilité le dialogue entre ces deux entités, quels qu'aient été leur statut par rapport à la cité qui les honore (citoyens ou étrangers) et leur condition (intimes des rois ou agents civils et militaires en poste localement). Étant donné ces prémisses, la terminologie employée dans les sources, qui est notoirement très variée, en particulier dans la documentation épigraphique de la fin du IVe s. a. C. à la fin du IIIe s. a. C., n'a pas beaucoup d'importance pour le sujet de l'ouvrage. Néanmoins Egetenmeier développe une discussion (86-91), accompagnée d'un appendice (248-278) avec un utile tableau des occurrences épigraphiques, autour de l'expression διατρίβων/διατρίβοντεϛ παρὰ τῶι βαϛιλεῖ, dont la plus ancienne attestation demeure celle du décret de Samos pour Gorgos et Minniôn d'Iasos, proches d'Alexandre le Grand (IG XII 6, 17, peu après 323 a. C.). Cette expression, très fréquente dans le premier quart du IIIe s. a. C., apparaît plus rarement par la suite et, comme nous l'avions expliqué autrefois, [3] loin d'avoir été utilisée par les cités pour masquer l'asservissement des philoi au bon vouloir d'un monarque, dépeint la situation concrète de ces personnages polyvalents qui partageaient au quotidien la vie des dynastes et rois, ô combien mouvementée, avant comme après 306 a.C., et ne résidaient plus de manière stable dans leurs patries. Egetenmeier suggère (88 et 276) qu'elle trouve son origine dans les lettres royales, mais sans pouvoir prouver cette hypothèse. Au contraire, deux décrets athéniens pour des proches de Démétrios Poliorcète, [4] votés l'un et l'autre en 304/3 a.C. à la suite d'une lettre du roi, emploient pour l'honorandus le terme philos avec le datif, une tournure qui a toute chance de reprendre, comme Egetenmeier semble l'admettre lui-même (91) les mots utilisés dans la lettre royale. Rappelons à ce propos que, déjà vers 332/1, Alexandre le Grand recommande par lettre aux citoyens de Chios un certain Alkimachos, en spécifiant que celui-ci était son «ami» (philos) et qu'il avait montré par ses actes d'être «ami de la cité» (philopolis). [5] Alkimachos appartenait à une famille de Chios influente sous l'oligarchie philoperse: exilé, il avait réussi à gagner la confiance d'Alexandre et en était devenu un proche. [6] Tout compte fait, nous pensons que l'invention de l'expression «générique» revient probablement aux cités, et non aux rois.

Les décrets civiques dépeignent les activités des amis royaux et leurs bienfaits de manière souvent stéréotypée, la plus grande importance étant accordée, comme Egetenmeier le montre de manière persuasive (129-145) à leur rôle de proxenoi des cités auprès des rois, à l'occasion notamment des ambassades civiques. Quelquefois des envoyés royaux agissent en tant que juges dans des cités où le dysfonctionnement des tribunaux menace la paix sociale, mais ce type d'intervention «d'en haut» est très rare (125-128). Les rois (ou leurs représentants) préfèrent déléguer la tâche à une cité de leur choix parmi celles qui relèvent de leur autorité, celles-ci désignant à leur tour par décret un ou plusieurs juges: c'est ainsi qu'il faut reconstruire, malgré les hésitations d' Egetenmeier (124-125) et en suivant l'analyse de Philippe Gauthier, les procédures qui précèdent les missions du juge Tyron de Téos à Bargylia et du juge Carianthos de Carystos à Kimôlos. [7] Tout soutien dans le domaine militaire, économique et fiscal de la part des philoi était hautement apprécié par les cités, en même temps que leur puissance était crainte, mais bravement combattue, comme le souligne Egetenmeier (172-175 et 207-201) d'après le célèbre décret des Samiens pour leur concitoyen Boulagoras (IG XII 6, 1, 11).

Les honneurs et privilèges attribués par les cités aux amis royaux obéissent aux principes généraux de la pratique honorifique. Les décrets gravés pour des concitoyens sont généralement rares à la haute époque hellénistique, ainsi que Florian R. Forster l'a montré dans son ouvrage récent, qu' Egetenmeier a pu utiliser. [8] Il pourrait donc être significatif que l'on trouve parmi les bénéficiaires des citoyens en relation avec des rois (une petite dizaine d'exemples recensés pour le IIIe s.: 192-193, tableau 3), dont, à Athènes, Philippidès de Képhalè, qui avait été un proche de Lysimaque, Kallias de Sphettos, au service de Ptolémée II, et Phaidros de Sphettos, qui avait été en bons termes avec Démétrios Poliorcète et plus tard avec Antigone Gonatas. Mais il est désormais acquis que les célèbres décrets en leur honneur ont été votés plusieurs années ou décennies après les faits et, pour des raisons idéologiques qui tiennent au contexte politique du moment, minimisent ou travestissent le rôle de ces personnages auprès des souverains. Vu la rareté des décrets pour cette catégorie d'amis royaux et la teneur de ceux qui offrent un texte développé, le bilan est décevant et Egetenmeier en conclut que les cités avaient du mal à rendre hommage à des citoyens dont elles dépendaient dans certaines circonstances (194). Quant aux décrets pour les amis royaux étrangers, ils défient, par leur abondance ainsi que par la variété des statuts et des situations politiques des communautés émettrices et par l'«epigraphic habit» de celles-ci, toute tentative d'étude systématique, si bien qu' Egetenmeier nous livre des considérations générales (177-190), dont émerge l'idée que les honneurs accordés à ce groupe d'amis royaux étaient souvent dépourvus de valeur pratique, en particulier pour ce qui concerne la politeia. L'installation à demeure d'un ami royal en tant que nouveau membre à part entière d'une communauté civique donnerait pleinement la mesure de l'ambiguïté structurelle des philoi, mais il va sans dire qu'une telle situation, envisageable à partir des dôreai foncières, est à peine documentée. Pour l'heure, on admettra avec Egetenmeier (211) que ces philoi misaient et gagnaient (parfois) sur les deux tableaux: richesse par les rois, renommée et prestige dans les cités.

Si la «naturalisation» des philoi royaux étrangers dans les cités est très peu documentée, leur présence symbolique était assurée par les décrets gravés en leur honneur et plus spécialement par les statues en pied (233, tableau 4), qui étaient à l'occasion placées à côté de celles du roi (1 cas sur les 14 recensés, mais les clauses sont souvent mutilées; le phénomène est un peu mieux attesté dans les sanctuaires). Il se créait ainsi des segments d'espaces royaux à l'intérieur de l'espace public des cités, mais le choix était délicat concernant les philoi qui étaient aussi des concitoyens (239).

L'insistance, tout au long de l'ouvrage, sur la distinction entre citoyens et étrangers parmi les philoi royaux tels qu'ils ont été définis par Egetenmeier au départ, montre assez la difficulté de rendre compte de manière satisfaisante en même temps des citoyens qui étaient aussi des philoi, mais utilisaient leurs attaches avec les rois dans le cadre d'une forte compétition politique, tel l'Athénien Stratoklès, [9] et des philoi qui, malgré leurs attaches avec les cités, étaient avant tout des collaborateurs des rois, mus par des ambitions à l'échelle de la cour ou du royaume. Les décrets civiques à eux seuls ne peuvent pas éclairer des situations si complexes, car ils laissent en dehors du regard quantité de membres des élites civiques favorables, selon les circonstances, à tel ou tel autre roi et, pour ce qui est des philoi royaux stricto sensu, donnent peu d'informations sur la dimension aulique. Le nombre limité de décrets pour des concitoyens proches des rois est toutefois une donnée intéressante, à intégrer dans une réflexion articulée sur les processus de transformation des cités au IIIe et IIe s. a. C. Pour aller plus loin dans les recherches déjà creusées sur les élites civiques et sur le milieu aulique, il faudrait chercher à analyser si et comment le dialogue modifiait les positions des interlocuteurs, tenir compte des antagonismes et des échecs, et tenter de comprendre quelle influence les contacts avec l'entourage royal pouvaient exercer sur les codes civiques. [10] Sans cette mise en perspective, l'étude diligente des décrets honorifiques et des lettres royales du IIIe s. a. C. produit une vision inévitablement statique et uniforme de l'interaction entre monde des cités et monde des rois.


Notes:

[1] C. Habicht: Die herrschende Gesellschaft in den hellenistischen Monarchien, in: Vierteljahresschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte 45 (1958), 1-16.

[2] J. K. Davies: The Interpenetration of Hellenistic Sovereignties, in: D. Ogden (ed.): The Hellenistic World. New Perspectives, Swansea 2002, 1-21, 11; Egetenmeier, 104, n. 1.

[3] I. Savalli-Lestrade: Les philoi royaux dans l'Asie hellénistique, Genève 1998, 255-263.

[4] SEG 36, 164; IG II2 486 et SEG 36, 163.

[5] P. J. Rhodes / R. Osborne: Greek Historical Inscriptions, 404-323 BC, Oxford 2003, n° 84 B.

[6] Sur la nécessité de distinguer cet Alkimachos de l'officier homonyme, fils d'Agathoklès (et frère de Lysimaque) envoyé en Ionie et en Eolide en 334 (Arrien, I, 18, 2), cf. S. Vacante: Alexander's Realpolitik in action: the mission of Alcimachus son of Agathocles in Aeolis and Ionia, ca 334, AHB 24 (2010), 61-72, 68-70 (non vidi); G. A. Lehmann: Alexander der Grosse und die 'Freiheit der Hellenen', Berlin 2014, 100-101.

[7] Ph. Gauthier: Les rois hellénistiques et les juges étrangers. Àpropos de décrets de Kimôlos et de Laodicée du Lykos, JS 1994, 165-195, 167 et 170-171.

[8] F. R. Forster: Die Polis im Wandel. Ehrendekrete für eigene Bürger im Kontext der hellenistischen Polisgesellschaft, Göttingen 2018. Cf. le compte rendu de P. Hamon, sehepunkte 20 (2020), Nr. 3 [15.03.2020].

[9] P. Paschidis: Between City and King. Prosopographical Studies on the Intermediaries between the Cities of the Greek mainland and the Aegean and the Royal Courts in the Hellenistic Period (323-190 BC), Athens 2008, 78-106; N. Luraghi: Stratokles of Diomeia and Party Politics in Early Hellenistic Athens, C&M 65 (2014), 191-226.

[10] Quelques pistes de réflexions dans nos études sur les élites civiques, in: M. Cébeillac-Gervasoni / L. Lamoine (éds.): Les élites et leurs facettes, Rome / Clermont Ferrand 2003, 61-62) et sur le bios aulikos, in: A. Erskine / L. Llewellin-Jones / S. Wallace (eds.): The Hellenistic Court, Swansea 2017, 111-112).

Ivana Savalli-Lestrade