Le livre se compose de 11 chapitres précédés par le sommaire, les listes d'illustrations et de cartes, une préface et une introduction. A la fin de l'ouvrage figurent successivement un "envoi" (24 questions qui sont à l'origine de l'œuvre), des précisions bibliographiques pour chaque chapitre, des appendices (terminologie de la diaspora; catalogue des clérouquies et des colonies athéniennes; catalogue des déportations; catalogue des exils; catalogue des situations de "mise en esclavage"), une chronologie, un glossaire, une bibliographie de 13 pages, et des index (de noms de personnes, des noms de lieux, des sources, et un index général).
La préface s'ouvre avec des données sur les migrations dans le monde actuel: 42,5 millions de personnes sont des "déplacés", des refugiés venant surtout d'Afrique, dont beaucoup sont demandeurs d'asile. Si l'étude des migrations s'est développée depuis un peu plus de vingt-cinq ans (avec le développement de sciences complémentaires, comme la sociologie, l'anthropologie, la psychologie, etc.), pour l'Antiquité, c'est depuis une cinquantaine d'années que l'on s'intéresse aux exilés politiques ou économiques, sans qu'on puisse disposer de statistiques sur les personnes en déplacement. Que veut alors dire être un migrant, un réfugié, un déporté, un demandeur d'asile dans le monde ancien? A l'origine, l'auteur voulait étudier seulement les cas des gens privés de leur maison, de leurs biens et de leurs communautés; mais il lui est vite et clairement apparu que le refugié grec n'est pas une catégorie facile à définir: d'un côté les sources ne donnent pas beaucoup d'informations à cet égard, et de l'autre elles utilisent souvent le même mot pour qualifier des situations très différentes.
Aussi a-t-il décide de s'occuper de toutes les migrations, dispersions, et réinstallations des Grecs, sous la contrainte ou par décision personnelle, de 800 à 323 av. J.-C.
Dans l'introduction, Robert Garland souligne que ces exils peuvent concerner des groupes ou des individus; en remarquant la difficulté à étudier un tel sujet à cause de la rareté ou de la concision des sources, il s'efforce de distinguer et de classer les causes des déplacements. Dans les chapitres qui suivent, ces déplacements sont étudiés par catégories: les migrants, les colons, les fondateurs de cités, les déportés, les exilés, les demandeurs d'asile, les fugitifs, les migrants économiques, les itinérants, les rapatriés.
Dans les conclusions, il note que la difficulté majeure, quand on travaille dans un tel domaine, réside dans l'imprécision du langage grec, qui ne permet pas de distinguer entre les différentes formes de migration, et donc de différencier certaines problématiques. Cependant, les Grecs sont des champions de la mobilité, exilés par force ou pour fuir une vengeance, esclaves, migrants économiques, itinérants, mercenaires. Athènes représente un cas particulièrement important: l'ostracisme et les guerres sont des causes remarquables de la mobilité athénienne.
Globalement, la Grèce est une civilisation constituée par des personnes déplacées, et le peuple grec figure au premier rang des acteurs dont le rôle est fondamental dans le réseau des communications qui traversent la Méditerranée (l'auteur se réclame ici des travaux de Horden et Purcell).
Attardons-nous sur le chapitre 3, consacré aux colons. Il est organisé en différents sous-chapitres concernant les raisons des départs, le rôle d'Apollon, la taille et la composition de l'établissement, la désignation de l'oikistès, le choix des colons, le moment du départ, l'installation de la fondation, les relations avec les indigènes, les femmes. Les différents sujets abordés sont ceux qui sont attendus, à l'instar d'un manuel. Le discours est facile à suivre, mais il ressemble plus à un récit adressé à un grand public qu'à une présentation pour des spécialistes. D'ailleurs, c'est l'impression qu'on a aussi devant les déductions formulées à partir des situations modernes: quand il est dit que les femmes étaient en minorité dans les groupes coloniaux, et que c'est normal car il en va de même dans la colonisation moderne, on aurait préféré avoir des indications aux sources ou la référence à des données archéologiques, qui replaceraient le phénomène dans son contexte historique.
D'une manière générale, le livre est utile, car il donne des exemples de toutes les formes d'exils et de déplacements qu'ont connu les Grecs, sans oublier aucune catégorie. Les annexes fournissent des données particulièrement profitables, avec des exemples et des références bibliographiques exactes. Cependant, une lecture plus approfondie laisse l'impression d'un catalogue un peu scolaire, où manquent les citations des sources, de même que des analyses vraiment originales. On regrette également que pour un sujet thématique tel que celui qu'a choisi l'auteur, l'époque hellénistique, avec l'incomparable variété et richesse de la documentation épigraphique, ne soit pas prise en compte. Un reproche enfin: la bibliographie exploitée est surtout anglophone (environ 80 pour cent des titres sont en anglais). Y manquent en particulier certaines références fondamentales à des ouvrages traitant de ce genre de sujet (les contributions françaises sur le mot "diaspora", v. Stéphane Dufoix: La Dispersion. Une histoire des usages du mot diaspora, Paris / Amsterdam 2012; Idem: "Des usages antiques de diaspora aux enjeux conceptuels contemporains", Pallas 89 (2012), 117-133; ou les ouvrages italiens édités par Marta Sordi: Emigrazione e immigrazione nel mondo antico, Milan 1994, ou Corcizione e mobilità umana nel mondo antico, Milan 1995).
Robert Garland: Wandering Greeks. The Ancient Greek Diaspora from the Age of Homer to the Death of Alexander the Great, Princeton / Oxford: Princeton University Press 2014, XXI + 319 S., 15 s/w-Abb., ISBN 978-0-691-16105-1, USD 35,00
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