Rezension über:

Zuleika Murat / Paolo Vedovetto (a cura di): Il patriarcato di Aquileia. Identità, liturgia e arte (secoli V-XV), Roma: Viella 2021, 432 S., zahlr. Abb., ISBN 978-88-3313-802-2, EUR 70,00
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Rezension von:
Alain Rauwel
Université de Bourgogne, Dijon
Redaktionelle Betreuung:
Ralf Lützelschwab
Empfohlene Zitierweise:
Alain Rauwel: Rezension von: Zuleika Murat / Paolo Vedovetto (a cura di): Il patriarcato di Aquileia. Identità, liturgia e arte (secoli V-XV), Roma: Viella 2021, in: sehepunkte 22 (2022), Nr. 1 [15.01.2022], URL: https://www.sehepunkte.de
/2022/01/36138.html


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Zuleika Murat / Paolo Vedovetto (a cura di): Il patriarcato di Aquileia

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Rien de plus fascinant que le destin des villes qui furent capitales et que l'histoire a réduites à une bourgade, voire à un simple souvenir. En Europe, l'un des plus beaux exemples est celui d'Aquilée, jadis cité romaine de première importance, puissante métropole ecclésiastique et chef-lieu d'une véritable principauté épiscopale. La richesse des monuments de pierre et de papier rappelant la gloire d'Aquilée a de longue date attiré les chercheurs ; le recueil publié par Viella vient donc après toute une série de riches contributions (à commencer par le congrès Aquileia e il suo patriarcato tenu à Udine en 1999). Son originalité est de tenter une définition de l'« identité » patriarcale à partir des édifices cultuels et de leur décor, en étroite association avec les rites pratiqués en ces lieux et la théologie qui leur est attachée.

À vrai dire, une telle perspective est plus convaincante lorsqu'elle concerne le coeur de l'aire aquiléenne, auquel est consacrée la première partie ; la seconde moitié du volume étend l'enquête non seulement aux territoires frioulans (Udine) mais à toute la province ecclésiastique, se plaçant à sa manière dans la lignée d'une historiographie en quête de « petites patries « que rappelle Andrea Tilatti. Le risque d'une certaine dissolution n'est pas absent de cette démarche - non que la qualité des articles soit le moins du monde en cause : c'est le rapport à l'identité liturgique d'Aquilée qui est parfois douteux. Soit l'excellente étude de Davide Tramarin sur le monastère Sainte-Claire d'Udine ; le constat d'un choeur des moniales précocement installé à l'arrière de l'autel majeur est du plus haut intérêt, mais on peut se demander si cette configuration a un lien direct avec le patriarcat.

La réponse la plus ambitieuse au défi lancé par le titre du recueil est celle d'Alessio Persic, infatigable historien de la tradition aquiléenne, présent au sommaire pour deux copieux articles étroitement coordonnés. Il traite d'abord des « spécificités de l'identité spirituelle d'Aquilée à partir des sources littéraires patristiques et des anciennes particularités liturgiques ». Ses remarques sur l'attachement des évêques, dès Fortunatien, de récente redécouverte, au symbole johannique de l'aigle (aquila), ou sur la pratique du lavement des pieds baptismal, parallèle à ce que l'on connaît à Milan sous Ambroise et qu'atteste ici Chromace, sont extrêmement suggestives.

En collaboration avec Sandro Piussi, A. Persic étudie aussi, selon la même optique thématique, les hymnes liturgiques du patriarche Paulin, montrant avec précision leur fidélité à des motifs déjà illustrés par la prédication de Chromace. On comprend un peu moins pourquoi le louable désir de fixer un test pour la spécificité rituelle d'Aquilée s'est porté sur l'ordo de l'onction des malades. Ce sacrement n'est pas le plus fascinant du septénaire, surtout quand on espère joindre ritologie et musicologie, et la chronologie retenue, centrée sur les XVe et XVIe siècles, n'aide pas à faire le lien avec l'âge d'or patristique.

D'un point de vue spatial, les deux articles de Paolo Vedovetto et Maurizio Buora font connaître la basilique-cathédrale en son état de l'an mil, au moment où elle est largement reprise par le patriarche Poppon dans les années 1030. Si le sanctuaire avec sa cathèdre, l'accès aux cryptes, l'autel de la Croix... s'intègrent bien dans un plan d'ensemble, il semble qu'il y ait encore du travail pour aboutir à une véritable reconstitution des espaces liturgiques médiévaux.

Beaucoup plus classique est l'approche de Zuleika Murat, qui s'intéresse à la chapelle funéraire de la famille Della Torre, maîtresse du patriarcat au XIIIe siècle. L'analyse de cet espace confirme ce que d'innombrables travaux ont indiqué quant à la mémoire des morts dans l'aristocratie. Au siècle suivant, Bertrand de Saint-Geniès songe à transférer sa capitale à Udine et fait amplifier et décorer, par Vitale da Bologna, la collégiale Sainte-Marie (actuel Duomo). D'utiles précisions sont données sur son aménagement liturgique, notamment sur la chronologie du passage d'un choeur canonial de nef à des stalles d'abside.

Le hasard des contributions fait qu'un cas de diocèse suffragant d'Aquilée est particulièrement documenté ici : celui de Vérone. Il faut dire que les deux cathédrales étaient liées par une curiosité canonique : du XIIe au XVIIIe siècle, le chapitre véronais se trouva sous la juridiction directe du métropolitain. Cette dépendance rendit certainement les relations plus intenses qu'avec d'autres Églises. L'étude de Maria Clara Rossi jette donc de précieuses lumières sur le fonctionnement concret d'une institution méconnue, la province ecclésiastique. On y voit par exemple le patriarche envoyer des visitatores ac reformatores ou réunir des conciles provinciaux, comme celui de 1339. Silvia Musetti, elle, s'occupe de l'église baptismale du groupe cathédral, San Giovanni in Fonte. Elle montre avec une belle précision à quel point la gestion du sacrement de l'initiation reste un enjeu majeur dans la vie d'une cité médiévale.

Dispose-t-on au bout du compte d'une réponse fortement structurée à la question de l'identité liturgique du patriarcat ? Sans doute pas. Le volume de Viella est une collection de travaux relatifs à des problèmes, des espaces et des périodes assez éloignés les uns des autres plus qu'un véritable ouvrage collectif conçu en chapitres coordonnés. La diversité des engagements historiographiques y redouble celle des choix thématiques. Ainsi, le récit de l'affaire des Trois chapitres proposé par le vétéran Giuseppe Cuscito selon une perspective d'histoire doctrinale romanocentrée ne peut guère dialoguer avec les approches spatiales indifférentes aux déterminations ecclésiastiques.

Redisons-le cependant : ces choix d'organisation n'enlèvent rien à l'intérêt intrinsèque des différents articles, qui constituent pour la plupart des monographies de grande qualité, aidant le médiéviste à aborder une « autre Italie », celle des confins impériaux, et la manière dont elle construit sa survie autour d'un brillant héritage tardo-antique.

Alain Rauwel