Rezension über:

Richard Ashton / Nathan Badoud (éds.): Graecia capta? Rome et les monnayages du monde égéen (IIe-Ier s. av. J.-C.) (= Aegeum; Vol. 1), Basel: Schwabe 2021, 2021 S., zahlr. Abb., ISBN 978-3-7965-4313-5, EUR 64,00
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Rezension von:
Julien Fournier
Université de Strasbourg
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Julien Fournier: Rezension von: Richard Ashton / Nathan Badoud (éds.): Graecia capta? Rome et les monnayages du monde égéen (IIe-Ier s. av. J.-C.), Basel: Schwabe 2021, in: sehepunkte 23 (2023), Nr. 3 [15.03.2023], URL: https://www.sehepunkte.de
/2023/03/36141.html


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Richard Ashton / Nathan Badoud (éds.): Graecia capta?

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L'ouvrage, dirigé par R. Ashton et N. Badoud, est issu d'une table ronde organisée en 2016 à l'université de Fribourg. Il est le premier volume d'une série articulée au programme «Aegeum», qui se propose d'étudier l'intégration économique de l'espace égéen dans l'empire romain. La problématique historique est celle du passage d'un monde politiquement et économiquement fractionné, à la fin du IIIe av. J.-C., à un espace entièrement sous hégémonie romaine, réparti entre plusieurs provinces, organisé en un marché relativement unifié et capté au profit de Rome. De manière générale, le programme s'inscrit dans une série d'études consacrées depuis une trentaine d'années à l'intégration de l'Orient hellénophone dans le monde romain et à ses effets à la basse époque hellénistique, dans les domaines économique (le titre est une référence implicite au livre de S. Alcock paru en 1993, Graecia Capta. The Landscapes of Roman Greece), institutionnel (J.-L. Ferrary) ou politique (R. Kallet-Marx). Le présent volume examine cette question sous l'angle monétaire. En ce domaine aussi, il reprend les acquis de récents travaux portant sur les derniers monnayages des royaumes hellénistiques (S. Kremydi pour les Antigonides) ou sur les principaux monnayages civiques à la même époque, en Grèce (M. Thompson, J. H. Kroll sur Athènes, O. Picard sur Thasos, S. Psoma et alii sur Maronée) ou en Asie Mineure (A. Meadows, Fr. de Callatay).

L'ouvrage totalise 349 pages. Il se compose de dix contributions, cinq rédigées en anglais, cinq autres en français. L'essai introductif de A. Burnett rappelle qu'il n'existe pas de cause universelle à la frappe des monnaies: la préparation de campagnes militaires - explication la plus couramment avancée - ne suffit pas à rendre compte de toutes les émissions. Il invite également à considérer avec plus d'attention les causes et la chronologie de l'extinction des monnayages d'argent civiques dans la période considérée. Les textes qui suivent assurent une large couverture du monde égéen au sens large : Illyrie [A. Meta], Macédoine et Thessalie [S. Krémydi], Grèce centrale, Péloponnèse et Crète [M. Amandry], Thrace égéenne et pontique [E. I. Paunov], Asie Mineure [A. Meadows, L. F. Carbone] - en particulier Carie [F. Delrieux] et Bithynie [J. Dalaison]. On pourrait regretter l'absence des îles de l'Égée - notamment des Cyclades -, qui ne font pas l'objet d'une contribution particulière.

Deux grands thèmes sont transversaux à la plupart des contributions. Le premier est celui du contrôle exercé par les Romains sur certains monnayages d'argent civiques ou provinciaux. En Grèce continentale, ce sont les drachmes d'Apollonia et de Dyrrachion [A. Meta], les monnayages de la Macédoine et de la ligue thessalienne après la bataille de Pydna (168 av. J.-C.) [S. Kremydi], les dernières émissions de Corcyre, les monnayages de Leucade ou des Ainianes, les monnaies stéphanéphores frappées dans le Péloponnèse ou encore le monnayage en argent de la ligue achéenne, [M. Amandry]. Dans la province d'Asie, ce sont principalement les cistophores, qui représentèrent le monnayage d'argent dominant jusqu'à l'époque augustéenne [A. Meadows, L. F. Carbone]. L'ensemble des contributions souligne le rôle de ces monnayages pseudo-civiques dans le financement des campagnes militaires romaines, les Romains pouvant avoir fourni tout ou partie du métal nécessaire. Fr. de Callatay souligne que le recours aux frappes pseudo-civiques fut certainement emprunté par les Romains aux rois hellénistiques, qui le tenaient eux-mêmes des Perses - alors qu'il n'existe encore aucune preuve positive d'une telle pratique dans le monde grec archaïque et classique.

Le second thème transversal est celui de la pénétration du denier dans le monde égéen. L'apparition de cette monnaie d'argent et de ses subdivisions se fit d'abord dans la péninsule balkanique, ou elle se calqua sur l'avancée des troupes romaines. Présente de manière sporadique dès 229 en Illyrie [A. Meta], elle pénétra après la bataille de Pydna en Macédoine [S. Kremydi] puis en Thrace [E. I. Paunov]. Dans ces régions, l'étude de la composition des trésors monétaire assure que la circulation du denier devint massive dès la première moitié du Ier av. J.-C. et presque exclusive à partir de l'époque des guerres civiles romaines (années 40-30 av. J.-C.). Dans d'autres régions, l'apparition des espèces romaines fut plus tardive : à partir des années 30 av. J.-C. en Asie Mineure [L. F. Carbone], sous le Principat dans le Péloponnèse comme en Crète [M. Amandry]. La pénétration massive du denier provoqua l'indexation de certains monnayages d'argent locaux sur les standards pondéraux et divisionnaires romains. Ce fut ainsi le cas des monnaies d'Apollonia à l'époque des guerres civiles romaines [A. Meta], comme de nombreux monnayages en Asie Mineure [A. Meadows], notamment en Carie : à mesure que leur nombre déclinait dans cette région (d'une quarantaine ce centres émetteurs au milieu du IIe s. à quatre seulement sous Auguste), leur alignement sur les standards pondéraux romains alla croissant [F. Delrieux]. Le plus souvent, l'afflux de la monnaie romaine entraîna in fine l'extinction des monnayages d'argent civiques ou provinciaux : dès le milieu du Ier s. av. J.-C. à Dyrrachion [A. Meta] ou en Macédoine [S. Kremydi], à l'époque de la domination d'Antoine en Asie Mineure [A. Meadows]. De rares monnayages restèrent en circulation jusque dans le courant du Ier s. apr. J.-C., comme les cistophores dans la province d'Asie [L. F. Carbone].

On saluera le caractère synthétique et systématique des contributions présentées. Elles ne se limitent pas à des cas d'étude, mais se fondent toutes sur des dépouillements exhaustifs qui nourrissent de véritables synthèses régionales, étendues à toute la période, richement illustrées de photographies, de cartes et de graphiques. A. Meadows s'emploie ainsi à déterminer systématiquement l'étalon d'une série de monnayages frappés en Asie Mineure (Troade, Ionie, Carie, Lycie, Pisidie, Pamphylie et Cilicie), ce qui lui permet d'identifier un grand nombre d'ateliers dont les émissions s'alignèrent sur l'étalon du denier et du quinaire au cours du Ier s. av. J.-C. En Asie, le poids du cistophore fut parallèlement abaissé de manière à correspondre à la valeur de 3 deniers. Dans le même souci d'exhaustivité, la contribution de L. F. Carbone repose en partie sur un relevé des mentions épigraphiques d'unités monétaires grecques et romaines, classées par période, par région et par catégorie d'inscription. Ce type d'examen étaye la distinction entre monnaies en circulation et monnaies de compte. On observe ainsi le maintien des références aux anciennes dénominations grecques (principalement la drachme) même après l'abandon de leur frappe, en Macédoine [S. Kremydi] ou en Asie [L. F. Carbone]. À l'inverse, dans d'autres régions comme le Péloponnèse, le denier put être employé comme monnaie de compte avant même qu'il eût effectivement pénétré dans la région [M. Amandry]. En Asie, il y eut manifestement concomitance entre les premières mentions épigraphiques du denier (dans les années 30 av. J.-C.) et son apparition dans la circulation monétaire [L. F. Carbone].

Le bilan final dressé par N. Badoud montre que si le denier pénétra en Grèce dans le sillage des légions romaines, il fallut attendre l'époque des guerres civiles romaines, voire l'époque augustéenne dans certaines régions, pour que cette monnaie circule abondamment et serve de monnaie de compte, au point d'entrainer l'indexation puis la disparition des monnayages d'argent locaux, qui avaient précédemment servi les intérêts romains. L'intégration économique et monétaire du monde égéen dans l'empire romain ne fut pleinement accomplie que dans le courant du Ier s. apr. J.-C.

Julien Fournier