Paul Erdkamp (ed.): A Companion to the Roman Army (= Blackwell Companions to the Ancient World), Oxford: Blackwell 2007, xxvi + 574 S., ISBN 978-1-4051-2153-8, GBP 95,00
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Christian Mann: Militär und Kriegsführung in der Antike, München: Oldenbourg 2013
Alexander Sarantis / Neil Christie (eds.): War and Warfare in Late Antiquity . Current Perspectives, Leiden / Boston: Brill 2013
Jacqueline Fabre-Serris / Alison Keith (eds.): Women and War in Antiquity, Baltimore / London: The Johns Hopkins University Press 2015
Cet ouvrage regroupe des travaux de vingt-neuf auteurs qui se proposent de permettre au lecteur de parcourir l'histoire de l'armée romaine depuis sa naissance jusqu'à sa mort et même au-delà, comme nous le verrons. La matière est divisée en quatre parties, chronologiques et inégales entre elles.
La première partie, la plus courte (deux chapitres), traite de l'armée des origines, celle qui fonctionna à l'époque royale et pendant la première République. Ici, les auteurs ont privilégié les liens entre l'organisation militaire et la société. On retrouve dans ces pages un tableau de l'organisation centuriate, et l'on y voit comment le conseil de révision a été finalement séparé des comices du même nom. La deuxième partie (huit chapitres) est consacrée à l'armée romaine pendant la République moyenne et la République tardive. Elle s'ouvre sur trois chapitres de chronologie, qui couvrent respectivement les années 350-264, belle époque de la tactique manipulaire, 264-146 et 146-30 avant J.-C., ces dernières voyant une milice de citoyens céder la place à une armée de professionnels. Les autres chapitres sont plus thématiques. L'armée occupait en effet une place particulière au sein de l'état. Elle tirait sa force notamment de l'extraordinaire puissance démographique de l'Italie, et l'on retrouve un tableau banal mais indispensable (118) du census. L'encadrement a lui aussi joué un rôle important pour renforcer l'efficacité de ce redoutable instrument de guerre, et Sylla et César ont eu les faveurs de l'un des auteurs. Le lecteur passera ensuite aux vétérans qui, comme on le sait, ont alimenté un fort mouvement de colonisation.
La période impériale, placée entre les années 31 et 378, a été privilégiée, et cette troisième partie regroupe quinze chapitres qui eux-mêmes forment quatre sous parties. La première d'entre elles présente les réformes dues à Auguste, les flottes, la tactique et la stratégie. Elle s'appuie sur une étude de la défense de l'Orient et sur une autre réflexion qui est consacrée à l'évolution de la stratégie entre les règnes de Septime Sévère et de Constantin Ier. La deuxième sous partie est consacrée, elle, à l'organisation de l'armée. Un auteur décrit notamment la bureaucratie qui travaillait dans les camps, et un autre revient sur les questions financières: il se demande combien étaient payés les soldats et comment était assurée la logistique. Dans la troisième sous partie, les liens entre l'armée et le pouvoir sont à l'honneur. Les empereurs, - c'est bien connu -, savaient utiliser les liens qui les unissaient aux troupes pour leur «propagande». D'autres aspects y ont également été traités. Les élites sociales occupaient un rôle important et même essentiel dans l'encadrement. Et, comme on le sait depuis Tacite, qui a expliqué que la crise de 68/69 avait révélé «le secret de l'empire» (on pouvait faire un empereur ailleurs qu'à Rome), les soldats pouvaient désigner le chef de l'état. Enfin, la quatrième sous partie, avec le titre «Soldats et vétérans dans la société», s'ouvre sur un chapitre consacré à l'architecture militaire et aux constructions de l'habitat civil qui accompagnait les camps, qu'elles aient été appelées canabae ou uici. Les familles de militaires sont ensuite étudiées. Les nouvelles recrues et les vétérans, malgré le délai qui séparait l'entrée dans l'armée et le départ de cette institution, sont ensuite regroupés sous un même chapeau. Un court chapitre aborde la question des religions pratiquées par les militaires.
La dernière partie, qui ne compte que quatre chapitres, traite de l'armée romaine pendant l'époque tardive, «The Late Roman Empire», une période qui va jusqu'au règne de Justinien (527-565) inclus. On y voit tout d'abord que les maîtres des milices, généraux institués par Constantin Ier, s'apparentaient à des seigneurs de la guerre, et qu'ils n'avaient aucun lien avec les grands propriétaires fonciers (l'auteur rapproche les mots «warlords» et «landlords»). L'étude des fédérés permet de parler de la «barbarisation» et de la politique militaire appliquée sur le Rhin après que les Vandales, les Alains et les Suèves eurent traversé le fleuve en 406/407. Cet échec militaire aurait permis de penser que l'armée romaine connaissait quelques faiblesses. C'est l'occasion de poser la question du déclin, lié, de l'armée et de la civilisation romaine. On revient, pour finir, à de l'histoire vraiment militaire, avec une dernière étude consacrée à l'armée et à la bataille au temps de l'empereur Justinien. Deux index sont alors proposés au lecteur (sources et noms).
Il n'est pas utile d'attendre plus longtemps pour dire tout le bien que nous pensons de cet ouvrage qui rendra de grands services. Et, comme les concepteurs du projet ne prétendent pas proposer une synthèse, mais la juxtaposition d'articles devenus chapitres, il ne faut pas leur demander ce qu'ils ne proposent pas. En outre, ce livre a été écrit par des auteurs qui ont été choisis en raison de leurs compétences, et leur érudition apparaît à travers les notes (hélas, regroupées à la fin de chaque chapitre) et à travers la bibliographie. La pédagogie se manifeste dans des listes, des tableaux et une iconographie choisie mais pas toujours nette (344, par exemple). Et, si nous n'avons pas de reproches à adresser aux auteurs, nous pouvons cependant formuler quelques remarques qui ne seront pas toutes des critiques. 1° Les bibliographies, largement en langue anglaise, auraient gagné à comprendre davantage de titres rédigés dans les autres «langues de congrès». Ainsi, pour l'armement à l'époque républicaine, on aurait pu faire une place à L'équipement militaire et l'armement de la République, actes d'un colloque publiés dans le Journal of Roman Military Equipment Studies, 8, 1977; en revanche, il ne nous paraît pas indispensable de mentionner le livre de J. Spaul consacré aux flottes. 2° Nous ne voyons pas bien la différence qui sépare, dans la troisième partie, la première et la deuxième sous parties: «Structure» et «Organization». 3° Pour la logistique, nous pensons qu'il faut faire une large place au pillage, élément du butin (323-338). 4° Le terme de «propagande» (339-358) est très discuté le monde romain n'est pas assimilable à une quelconque dictature du XXe siècle. 5° Le chapitre sur les religions pratiquées par les soldats nous paraît trop bref (451-476). 6° Nous considérons qu'après les désastres de 406 et 410, l'armée romaine n'exista plus que de nom avant de disparaître rapidement. En Occident, elle s'est dissoute avant la fin du Ve siècle, alors qu'en Orient elle cédait la place à une autre armée. Ce n'est pas parce que les Byzantins s'appelaient «Romains» qu'ils l'étaient. Quand la capitale n'est plus Rome et quand la langue n'est plus le latin, il faut bien admettre que la civilisation n'est plus ni romaine ni latine.
Il est peut-être prétentieux de porter un jugement de valeur sur un livre pareil; mais, puisqu'il est attendu, nous dirons que ce «Companion» est un très bon compagnon pour aller sur la voie de la connaissance de l' armée romaine.
Yann Le Bohec