Rezension über:

Viktoria Räuchle: Die Mütter Athens und ihre Kinder. Verhaltens- und Gefühlsideale in klassischer Zeit, Berlin: Dietrich Reimer Verlag 2017, 342 S., 101 s/w-Abb., ISBN 978-3-496-01561-1, EUR 59,00
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Rezension von:
Véronique Dasen
Université de Fribourg
Redaktionelle Betreuung:
Matthias Haake
Empfohlene Zitierweise:
Véronique Dasen: Rezension von: Viktoria Räuchle: Die Mütter Athens und ihre Kinder. Verhaltens- und Gefühlsideale in klassischer Zeit, Berlin: Dietrich Reimer Verlag 2017, in: sehepunkte 18 (2018), Nr. 7/8 [15.07.2018], URL: https://www.sehepunkte.de
/2018/07/29669.html


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Viktoria Räuchle: Die Mütter Athens und ihre Kinder

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Le thème des mères et de la maternité représente un champ de recherche en constant renouvellement comme en témoignent de nombreuses publications récentes qui examinent la construction sociale et culturelle de la famille et de la parenté gréco-romaine. [1] La relecture des sources antiques est favorisée par les changements sociaux contemporains qui invitent à se distancer d'interprétations héritées de l'érudition du début du XXe siècle. Le dynamisme des études sur le genre ainsi que le développement d'approches pluridisciplinaires et diachroniques contribuent également à cet essor. [2]

L'ouvrage de Viktoria Räuchle est issu d'une thèse de doctorat soutenue en 2014 à la Freie Universität de Berlin. Il représente un des résultats importants du cluster "Languages of Emotion" (2002-2017) qui a fédéré des chercheurs d'horizons très différents (philosophie, psychologie, sociologie, linguistique ...). Ce travail collectif a fourni des outils pour entreprendre une relecture des modes d'expression des rapports affectifs en Grèce classique. L'objectif de Räuchle est de tenter de définir comment les Anciens se sont représenté les relations mère-enfant en analysant les postures et la gestuelle qui traduisent les qualités attendues d'une mère. Sans négliger l'apport des textes et des inscriptions qui se rapportent à la philia unissant les membres d'une famille, et plus largement de la communauté, l'auteure s'attache au discours des images qui mettent en scène des mères et des enfants dans l'espace de l'oikos. Elle se base sur un corpus iconographique composé principalement de 70 vases produits à Athènes au Ve siècle et de 372 stèles funéraires qui s'échelonnent du milieu du Ve siècle à la fin du IVe siècle av. J.-C. [3]

L'étude est découpée en six volets. La première partie établit un rapide bilan historiographique et pose la problématique d'une recherche nourrie par les interrogations de l'anthropologie culturelle sur la dimension "naturelle" ou socialement construite de l'amour maternel. [4] L'auteure entend remettre en question l'opposition supposée entre la dimension cérébrale d'une philia masculine et un lien corporel instinctif au féminin (Mann / Geist / Kultur versus Frau / Körper / Natur). La conception grecque du sentiment maternel se décline de manière plus subtile en promouvant des valeurs spécifiques associées à l'ordre idéal de la Cité. La démonstration passe par l'analyse minutieuse et convaincante des images, traitées selon une méthode éprouvée, non comme des évidences photographiques, mais comme une construction du réel et des normes sociales. L'analyse suit l'ordre des différentes étapes de la vie féminine, du temps de la procréation et de ses risques (II. Vom Mädchen zu Mutter), aux soins du tout petit (III. Die Mutter als Sozialisationsfigur), puis aux relations de la mère à l'enfant devenu grand (V. Die Mutter in späteren Jahren). La dernière partie synthétise les résultats de l'enquête et ouvre plusieurs pistes originales de réflexion (VI. Die Kultivierung der Natur).

En dépit de la diversité des supports et de leurs différents contextes d'usage, une manière culturelle de penser la philia au féminin et au masculin transparaît de manière régulière. Certains bilans sont bien connus. Le tout petit est intimement lié au monde des femmes, l'enfant plus grand, quand il s'agit d'un garçon, à celui des hommes. Plus surprenante est la constatation que la maternité ne constitue pas un sujet particulièrement valorisé dans l'iconographie attique. Sur de nombreuses stèles funéraires (58) un nourrisson emmailloté est représenté en compagnie de sa mère. Il est cependant d'ordinaire porté par une servante ou une proche. Cette distance est d'ordinaire interprétée comme une indication de la séparation causée par la disparition brutale de la mère. La défunte se distinguerait par son immobilité forcée, signalant que la scène réunit différents niveaux, les morts et les vivants, le visible et l'invisible. Le contact corporel entre mère et enfant est toutefois aussi rare dans la céramique peinte. Loin de valoriser un instinct maternel qui se traduirait par l'expression d'émotions diverses, l'imagier dépeint des femmes aux gestes retenus et mesurés. [5] Il semble plutôt chercher à mettre en scène une attitude qui intègre les qualités valorisées par les normes sociales: la sophrosynê ou maîtrise de soi et la philia en tant qu'instrument de la solidarité du groupe familial, nécessaire à la continuité de l'oikos.

En excursus (123-130), l'analyse du traitement iconographique de deux thèmes vient soutenir cette démonstration. La quasi-absence de représentation d'allaitement maternel pourrait aussi s'expliquer par la volonté de contenir l'émotion qu'implique la trophê [6], comme le trahissent de rares scènes, telle celle d'Eriphyle allaitant le petit Alcméon, l'enfant qui sera son meurtrier. [7] La petite série de scènes de naissance d'Erichthonios, le premier roi d'Athènes, est aussi revisitée. Maternité biologique et sociale y sont séparées, sans déposséder Athéna d'un rôle maternel, mais civique: Gê surgit de terre en présentant l'enfant à la déesse qui l'enveloppe dans un tissu comme le ferait une sage-femme. L'autochtonie des Athéniens est aussi une affaire de femmes, et la fameuse oraison funèbre de Périclès (Thucydide II, 44, 3) valorise l'importance politique de la maternité.

En annexe, le catalogue fournit la liste de 70 vases et 372 reliefs funéraires illustrés au fil du texte par une centaine d'illustrations de très bonne qualité. Neuf tableaux récapitulent les différentes formes de mise en scène des relations familiales. D'autres parerga (bibliographie, index général) complètent utilement l'ouvrage qui constitue désormais une référence importante.


Notes:

[1] La question d'histoire ancienne du Capes et de l'Agrégation (2018) a favorisé la parution récente de plusieurs ouvrages sur le sujet, p. ex. Jean-Baptiste Bonnard / Véronique Dasen / Jérôme Wilgaux: Famille et société dans le monde grec et en Italie du Ve siècle au IIe siècle av. J.-C., Rennes 2017. Voir aussi Aurélie Damet: La Septième Porte. Les conflits familiaux de l'Athènes classique, Paris 2012; Jean-Baptiste Bonnard / Florence Gherchanoc (dir.): Mères et maternité en Grèce ancienne, in: Mètis 11 (2013); Véronique Dasen: Le sourire d'Omphale. Maternité et petite enfance dans l'Antiquité, Rennes 2015.

[2] Véronique Dasen / Patricia Gaillard Seux (dir.): Accueil et soin de l'enfant (Antiquité, Moyen Âge), in: Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest 124 (2017); Philippe Lafargue: L'enfant retrouvé: quinze ans de nouvelles recherches sur l'enfance en Grèce ancienne (2001-2015), in: Pallas 105 (2017), 257-294; Florence Pasche Guignard / Giulia Pedrucci / Marianne Scapini: Maternità e politeismi, Bologne 2017.

[3] Sur ces corpus, voir aussi Marie-Claire Crelier: Kinder in Athen im gesellschaftlichen Wandel des 5. Jahrhunderts v. Chr. Eine archäologische Annäherung, Remshalden 2008; Martina Seifert: Dazugehören. Kinder in griechischen Kulten und Festen von Oikos und Phratrie. Bildanalysen zu attischen Sozialisationsstufen des 6. bis 4. Jahrhunderts v. Chr., Stuttgart 2011; Céline Dubois: Du foetus à l'enfant dans la société grecque. Imaginaire et pratiques sociales, Rennes, sous presse.

[4] Cf. Didier Lett / Isabelle Robin / Catherine Rollet: Faire l'histoire des enfants au début du XXIe siècle: de l'enfance aux enfants, in: Annales de démographie historique (2015), 1, 231-276; Mark Golden: The Second Childhood of Mark Golden, Childhood in the Past. An International Journal 9 (2016), 4-18.

[5] Sur la gestuelle expressive des plus jeunes, Timothy McNiven: Behaving like a Child: Immature Gestures in Athenian Vase-painting, in: Ada Cohen / Jeremy B. Rutter: Constructions of Childhood in Ancient Greece and Italy, Princeton 2007, 85-99.

[6] Sur l'allaitement, voir aussi les travaux du groupe de recherche "Lactation in History: a Crosscultural Research on Suckling Practices, Representations of Breastfeeding and Politics of Maternity in a European Context" (2013-2017), http://unige.ch/lactationinhistory; Francesca Arena et al. (dir.): Allaitement entre humains et animaux: représentations et pratiques de l'Antiquité à aujourd'hui, in: Anthropozoologica 52 (2017).

[7] Aurélie Damet: Le sein et le couteau. L'ambiguïté de l'amour maternel dans l'Athènes classique, in: Clio. Histoire, femmes et sociétés 34 (2011), 17-40; ead.: 'L'infamille'. Les violences familiales sur la céramique classique entre monstration et occultation, in: Images Re-vues, Parenté en images, http://imagesrevues.revues.org/1606.

Véronique Dasen