Roberto Sammartano: Alle radici della syngeneia. Parentele etniche nel mondo greco prima della guerra del Peloponneso (= Studi di Storia greca e romana; 19), Alessandria: Edizioni dell'Orso 2020, 272 S., ISBN 978-88-3613-098-6, EUR 25,00
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L'ouvrage de R. Sammartano qui a été publié, il y a quelques années, se démarque par son originalité des études sur le même sujet : il prend, chronologiquement parlant, la question à l'inverse. En effet, il analyse non point le phénomène de la parenté mythique, mais au contraire ses origines. Avant d'aller plus loin, expliquons en peu de mots cette particularité typique de la Grèce ancienne : deux cités qui prétendaient avoir été fondées aux temps mythiques par des héros ou des dieux apparentés, pouvaient revendiquer ce lien en se déclarant parentes à l'époque historique. [1] La mention de la parenté n'était pas de pure invention car les Anciens y croyaient et n'hésitaient pas à l'invoquer dans toutes sortes d'occasions. [2] L'époque hellénistique marqua l'âge d'or des relations de parenté qui aboutirent, à l'époque impériale, à des liens entre cités "artificiels", parce qu'ils ne respectaient plus la division traditionnelle de la lignée grecque en trois ethnies, soit les Ioniens, les Doriens et les Éoliens.
R. Sammartano essaie de considérer aux périodes précédentes les facteurs à l'origine du "sentiment ethnique" et d'examiner les circonstances historiques pour lesquelles on a recouru à "un sentiment d'appartenance", pas encore appelé parenté. C'est une démarche qui demande de s'intéresser exclusivement aux écrivains "pré-thucydidéens" qui offrent des traditions plus sûres et moins artificielles même si le caractère plutôt fragmentaire de leurs écrits est d'interprétation difficile. Pour exemplifier son propos et justifier son point de vue, R. Sammartano montre qu'un écrivain du IVe s. aC projette à l'époque archaïque une anecdote sur la parenté entre cités, rapportée par Pausanias (IV, 8, 2). Elle date en fait sûrement de l'époque de l'écrivain et fausse ainsi la vision du concept, en donnant l'impression que la parenté était déjà utilisée à l'époque archaïque.
L'ouvrage de R. Sammartano est divisé en deux parties. La première étudie le rôle des généalogies mythiques et des traditions mythographiques archaïques dans la structuration de l'identité des origines du monde grec.
Dans cette optique, prenons un auteur comme Homère qui est révélateur de la mentalité archaïque. R. Sammartano constate qu'on ne trouve chez lui nulle trace de parenté interétatique. Il n'y a pas dans les poèmes, d'un côté, les Grecs coalisés descendants d'un ancêtre commun et de l'autre, les Barbares. De plus, il observe l'usage indifférencié des termes de Danaens, Achéens ou Argiens. L'unité de l'armée d'Agamemnon est basée davantage sur des liens de nature personnelle; les liens de sang ne semblent pas avoir joué de rôle.
Mais selon R. Sammartano, Homère ressent, malgré tout, la spécificité des Grecs car, pour définir un des trois groupes alliés aux Myrmidons et aux Achéens, il parle d'Hellènes (Il. 2.684). D'ailleurs, le terme Hellas est utilisé plusieurs fois pour définir l'Achaïe Phthiotide historique. La preuve d'une conscience d'une spécificité grecque vient du fait que dans l'Odyssée, Hellas n'a plus un sens géographique restreint mais signifie la Grèce du Centre et du Nord (p. ex. Od. 1.344; 4.726; 4.816). Quoi qu'il en soit, ces allusions éparses dans les poèmes homériques et d'autres écrits contemporains, étudiées par R. Sammartano, n'ajoutent pas grand-chose à notre connaissance des relations de parentèle entre les habitants du monde grec à l'époque d'Homère.
En ce qui concerne les relations diplomatiques dans les poèmes homériques, on peut observer qu'elles se limitent au domaine individuel et familial. L'exemple le plus connu est celui de Glaucos et de Diomède. Malgré les bonnes relations entre leurs deux familles, il n'y a pas renonciation à la lutte entre les peuples auxquels les héros appartiennent, soit les Achéens et les Lyciens.
Il y a bien, dans les poèmes homériques, quelques renvois aux Doriens ou aux Ioniens. En revanche, aucune particularité n'est à signaler pour la race éolienne. Pour en revenir aux Ioniens, il y a des doutes sur l'interprétation des Iaoniens "à la longue tunique". Ils viennent, pense R. Sammartano, de la Grèce centrale. Ce ne sont pas encore les Ioniens d'Asie mineure, même si l'adjectif "à la longue tunique" fait référence au luxe et au mode de vie raffiné des Ioniens d'Asie mineure.
Quant aux allusions aux Doriens, les poèmes homériques présupposent un reflet de la situation d'alors avec l'attestation de la présence dorienne dans les îles de Rhodes et de Crète ainsi que celle de la triple division en tribus typique des Doriens. En revanche, ces mentions n'attestent pas une connaissance du mythe du Retour des Héraclides, au moins dans sa forme connue de nous. Cette évocation des Doriens sans le rappel du Retour des Héraclides nous conduit à une impasse chronologique.
Dans la seconde partie, l'auteur analyse l'utilisation du thème de la parenté dans les relations politico-diplomatiques, en étudiant l'époque classique, sans que sa chronologie ne descende plus bas que Thucydide. L'auteur montre que les prétendues différences entre la branche ionienne qui serait amollie et la branche dorienne, plus combative, trouve ses premières attestations chez Bacchylide et Pindare. R. Sammartano admet que ce mythe eut la vie dure presque jusqu'au milieu du XXe s. En effet, dans les années 1930, les nazis prétendirent que la race dorienne, venant du Nord - un Nord mythifié où se trouvaient aussi les Germains, leurs ancêtres - avait affermi les Grecs. Si, dès 1945, on se rendit compte de l'inanité d'une telle vision, on n'hésita pas néanmoins à reconnaître les différences naturelles des trois branches ethniques.
En conclusion on admettra que l'ouvrage de R. Sammartano apporte un éclairage bienvenu sur la période des commencements dans la Grèce ancienne quant à ces "sentiments d'appartenance" si difficiles à percevoir dans une culture de l'oralité, comme il le reconnaît lui-même. Il jette une lumière nouvelle sur le phénomène de la parenté entre cités même si cette dernière en tant que telle n'est pas encore attestée à l'époque archaïque. En revanche, ce que R. Sammartano souligne, c'est l'importance qu'ont jouée les Ioniens et les Doriens qui, au-delà des clichés à leur sujet, furent les fondements de la parenté qui constituait un des piliers des relations interétatiques de l'époque hellénistique.
Notes:
[1] Les références aux diverses études figurent aux n. 18-21, p. 9-10, de l'ouvrage de Sammartano.
[2] Il y en a aussi qui sont dus à la colonisation, mais, selon moi, ils ressortissent à un autre aspect.
Olivier Curty