Rezension über:

Julien Théry: Lieux sacrés et espace ecclésial (IXe-XVe siècle) (= Cahiers de Fanjeaux; 46), Toulouse: Editions Privat 2011, 615 S., ISBN 978-2-7089-3449-8, EUR 35,00
Inhaltsverzeichnis dieses Buches
Buch im KVK suchen

Rezension von:
Nathanaël Nimmegeers
École des Hautes Études Hispaniques et Ibériques, Casa de Velázquez, Madrid
Redaktionelle Betreuung:
Jessika Nowak
Empfohlene Zitierweise:
Nathanaël Nimmegeers: Rezension von: Julien Théry: Lieux sacrés et espace ecclésial (IXe-XVe siècle), Toulouse: Editions Privat 2011, in: sehepunkte 13 (2013), Nr. 1 [15.01.2013], URL: https://www.sehepunkte.de
/2013/01/21914.html


Bitte geben Sie beim Zitieren dieser Rezension die exakte URL und das Datum Ihres Besuchs dieser Online-Adresse an.

Andere Journale:

Diese Rezension erscheint auch in KUNSTFORM.

Julien Théry: Lieux sacrés et espace ecclésial (IXe-XVe siècle)

Textgröße: A A A

Les contributions au 46e Congrès de Fanjeaux entendent comprendre comment le christianisme médiéval a modelé l'espace en faisant de l'église le lieu de rencontre obligé de toutes les composantes du corps social. Ces travaux participent du renouvellement historiographique qui touche depuis quelques années l'étude de la territorialité et de la gestion de l'espace ecclésial. Ils complètent les résultats issus de rencontres récentes traitant en particulier de l'environnement des églises (Aix-en-Provence, 1989), de la naissance de la paroisse en Gaule méridionale (Toulouse, 2003), de l'espace du diocèse (Rennes, 2004-2005) ou encore de l'aménagement du sanctuaire (Poreč, 2008).

Michel Lauwers montre en introduction (13-34) comment les rites de construction et de consécration, les interventions pontificales et le dynamisme des ordres nouveaux parviennent à agréger autour des églises et de leurs desservants les établissements religieux, les communautés d'habitants et les détenteurs du pouvoir. Ce processus commence par une mise en valeur des lieux de culte qui s'affirment progressivement comme des pôles essentiels dont l'influence s'exerce sur des territoires plus ou moins bien délimités. Les contributions abordent successivement ces trois thèmes directeurs.

L'approche des lieux de culte se fait à très grande échelle et se prête particulièrement à une exploitation croisée ou complémentaire des sources écrites et archéologiques. À la suite de l'étude de Géraldine Mallet (37-57) portant sur deux églises romanes catalanes, Pascale Chevalier (59-78) montre les difficultés et les limites du travail de restitution matériel de l'espace du chœur, un lieu fragile en constante mutation et de ce fait, rarement préservé dans sa configuration primitive. Didier Méhu (79-114) souligne le décalage entre les descriptions de monuments que laissent les lettrés et la réalité au terme d'une critique implacable du Guide du pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle, trop longtemps utilisé dans un sens littéral. Alain Rauwel (115-130) et Cécile Caby (131-171) se penchent sur l'organisation des lieux de culte. Le premier montre qu'à l'époque scholastique, les liturgistes comme Guillaume Durand défendent une théologie universelle de l'église et accordent une importance capitale au rite consécratoire. La deuxième pointe le paradoxe des frères prêcheurs qui revendiquent une déterritorialisation en même temps qu'ils affectent de mettre en valeur leurs couvents à l'intérieur d'espaces nettement délimités.

Les contributions qui traitent de la polarisation se concentrent davantage que les précédentes sur le Midi de la France aux XIIe et XIIIe siècles, conformément à l'esprit des rencontres de Fanjeaux. À l'exception de celle d'Alessia Trivellone (175-227) consacrée au décor des façades catalanes, toutes s'intéressent aux relations des édifices religieux avec leur proche environnement. Florian Mazel (229-276) met ainsi en scène l'obstination des moines de Saint-Gilles à construire autour de leur abbaye un espace sacré comparable à celui de Cluny, à la faveur de la réforme grégorienne et contre les intérêts de l'aristocratie comtale. Damien Carraz (277-312) propose un premier bilan sur les églises et les cimetières des ordres militaires, qui relèvent en théorie de l'autorité épiscopale mais ne disposent pas d'un statut canonique bien défini. Ce flou juridique permet aux évêques de s'immiscer dans les affaires des templiers et des hospitaliers par le truchement de la législation synodale sur la prise en charge des morts, ce qui provoque de nombreux conflits et entraîne une clarification des territoires ecclésiastiques. Dans le même ordre d'idée, Isabelle Carton (313-330) relève qu'au XIIe siècle, les chanoines de la collégiale Saint-Seurin de Bordeaux organisent et mettent en valeur leur cimetière pour le soustraire aux ambitions épiscopales. Nelly Pousthomis-Dalle (331-366) souligne parallèlement qu'en Languedoc, les pouvoirs religieux et civils coexistent parfois sans aucune difficulté dans les bourgs monastiques.

La réflexion sur les territoires prend place dans un vaste champ géographique et chronologique. Pierre-Éric Poble (369-393) met ainsi en évidence la différence de configuration et de maturité entre la vicaria et la parochia à partir de l'exemple du Massif central pour conclure que la première se confond avec la seconde au moins jusqu'à la fin du XIe siècle. Fabrice Delivré (398-419) montre pour sa part comment le provincial romain sert d'abord les ambitions universalistes de la papauté puis les desseins de la monarchie capétienne. Uwe Braun (421-464) revient sur une autre vision du monde, celle de Gervais de Tilbury, résolument anti-dualiste. Les deux contributions suivantes s'intéressent aux mendiants. Celle de Paul Bertrand (465-486) explique comment les Dominicains se partagent les territoires urbains avec leurs concurrents, définissent leurs espaces de prédication hors des villes et installent dans les zones de confins des maisons terminaires destinées au prêche, au recrutement local et à la quête. Celle de Clément Lenoble (487-509) met en évidence l'ambivalence de la quête franciscaine, une activité mouvante et incertaine organisée en fonction des marchés locaux et de la circulation des richesses. Dans une dernière contribution, Rosa Maria Dessi (511-542) décrypte les enjeux politiques d'une fresque programmatique de Matteo Giovannetti mise au service d'une papauté tout juste installée en Avignon.

Dans sa conclusion, Dominique Iogna-Prat (543-561) insiste sur l'impérieuse nécessité de clarifier le vocabulaire destiné à décrire l'inscription du divin dans l'institution ecclésiale par l'intermédiaire de l'église comme lieu de culte fédérant, à l'issue du haut Moyen Âge, le bâtiment qui abrite l'autel, le baptistère et la chapelle martyriale. À partir du Moyen Âge central, chaque église exerce une domination radioconcentrique sur trois zones: d'abord le cimetière chrétien, puis l'asile et la sauveté et enfin la paroisse. Cette organisation hiérarchique se retrouve à l'échelle de la Chrétienté dans laquelle se multiplient et s'empilent les structures intermédiaires appelées à relayer l'autorité pontificale. De façon transversale, les diverses interventions du 46e Congrès de Fanjeaux révèlent l'intérêt d'articuler de conserve les problématiques de la fixation, de la création territoriale, du flux et de la mobilité.

Nathanaël Nimmegeers