Hans-Joachim Gehrke (Hg.): Die Welt vor 600. Frühe Zivilisationen (= Geschichte der Welt), München: C.H.Beck 2017, 1082 S., 25 Kt., 88 s/w-Abb., 7 Zeittafeln, ISBN 978-3-406-64101-5, EUR 49,95
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Ce volume, rédigé sous la direction de Hans-Joachim Gehrke, est chronologiquement le premier de la série Geschichte der Welt, publiée sous la direction générale d'Akira Iriye et de Jürgen Osterhammel. Ceci justifie de l'analyser de divers points de vue: celui de l'histoire de l'Antiquité, celui de sa place dans la collection et celui de sa signification historiographique.
L'érudition des auteurs rassemble des présentations synthétiques, 88 illustrations, 25 cartes, 7 chronologies, des index de noms de personnes, de lieux et de choses, et une bibliographie raisonnable, qui privilégie cependant un peu trop les titres allemands et anglais au détriment des ouvrages français et italiens pour le chapitre sur la Méditerranée classique. La nécessité de la synthèse amène logiquement à passer rapidement sur certains aspects, ce qui aurait cependant pu être compensé par une hiérarchisation plus forte des informations.
L'introduction (Hans-Joachim Gehrke) se compose de deux parties. "L'histoire ancienne comme problème" insiste sur les méthodes, posant le problème des sources et des perspectives et celui des relations entre Weltgeschichte et Globalgeschichte, avec une préférence pour la première. "La comparaison structurelle des formes de vie" développe un discours anthropologique général sur l'humanité à partir des catégories de l'économie, du sociopolitique et de la religion. Puisque le sous-titre de l'ouvrage mentionne les Frühe Zivilisationen, appelées ensuite Hochkulturen, on peut regretter que ce terme ne soit pas mieux défini, alors que sa pertinence est réelle et qu'il structure le volume, divisé en cinq chapitres.
Le premier, "Pré- et Protohistoire" (Hermann Parzinger), étudie quatre aspects: la préhistoire jusqu'à la fin de la dernière glaciation, la néolithisation, l'apparition des sociétés complexes, et l'Europe des âges du bronze et du fer, présentée comme étant extérieure aux grandes civilisations (Hochkulturen). Cette description des cultures eurasiatiques se fait au bénéfice de l'Europe (mais l'Inde et la Chine sont traitées dans les chapitres 4 et 5), et est complétée par une comparaison incluant les autres régions du monde. Il n'était pas évident de traiter à part les cultures amérindiennes à partir de la néolithisation, et la comparaison mondiale autorise des débordements chronologiques discutables dans le cas des périphéries australiennes ou subsahariennes. De plus, le concept de Protohistoire (Frühgeschichte) amène à parler de l'Europe des Celtes jusqu'à la conquête romaine, ce qui provoque une discordance temporelle avec le chapitre 2 consacré à la Méditerranée à l'âge classique. Ce chapitre s'achève par une réflexion sur l'existence de pivots temporels (Zeitachsen: 15 000, 8000, 5000, 3000, 2000, 1200, 300 av. J.-C.) que l'auteur distingue avec raison des âges axiaux (Achsenzeiten). Là aussi, les variations chronologiques régionales posent problème, mais il faut reconnaître l'effort rare d'une synthèse globale.
Le deuxième chapitre (de Karen Radner) étudie "Les premières grandes civilisations (Hochkulturen) d'Égypte et du Moyen Orient", en quatre temps: âges du Bronze ancien, moyen et récent et premier âge du Fer. La présentation de ce monde divers, mais unifié par la guerre, la diplomatie et le commerce, englobe l'Anatolie et l'Iran.
Le troisième chapitre (Hans-Joachim Gehrke) s'intitule "Le monde de l'Antiquité classique", et est organisé en six parties: la Méditerranée et son environnement spatio-temporel (la civilisation mycénienne, la Phénicie et Israël), Perses et Grecs, la République romaine, le monde hellénistique, l'apogée et la fin de la République romaine, l'empire romain. Il décrit le monde méditerranéen de l'époque grecque archaïque jusqu'à l'expansion de l'islam.
Le quatrième chapitre (Mark Edward Lewis) analyse "La Chine ancienne" en 11 parties rassemblées en trois grandes périodes: des Shang à l'unification des Royaumes combattants (c. 1600-221 av. J.-C.), l'empire des Qin et des Han (221 av. J.-C. - 220 ap. J.-C.), et des Trois Royaumes aux Sui (220-618 ap. J.-C.). La description politique cohabite avec des parties sur les villes, les aspects religieux (bouddhisme et taoïsme) et les relations avec le monde extérieur.
Le cinquième chapitre (Axel Michaels) aborde "L'Asie du sud et l'Asie du sud-est" et traite de l'Inde et des régions indianisées en sept parties: la civilisation de l'Indus (2600-1900 av. J.-C.), l'arrivée des Indoariens, la civilisation védique (1750-500 av. J.-C.), les états et les mouvements ascétiques (600-200 av. J.-C.), les connexions transrégionales (200 av. J.-C. - 300 ap. J.-C.), l'âge classique et la formation de l'hindouisme (300-600 ap. J.-C.), et l'influence indienne en Asie de l'est et du sud-est (aspect particulièrement important mais souvent omis).
Tous les chapitres adoptent une approche chronologique politique, ce qui aide le lecteur, mais limite ou déforme l'importance des autres aspects. Toutefois, dans les quatre chapitres régionaux portant sur les périodes historiques (à partir du IIIe millénaire av. J.-C.), ceux sur la Chine et l'Inde ont également mis en valeur certains thèmes importants.
On peut faire trois remarques générales. D'abord, on peut au choix se féliciter de disposer d'une grande synthèse sur l'Eurasie (qui aurait pu être justifiée à partir des idées de Jack Goody, mais il est absent de la bibliographie), ou au contraire déplorer l'absence des "périphéries" américaine, subsaharienne et du Pacifique. En particulier, l'omission des Hochkulturen précolombiennes est une grave lacune, à cause de leur ancienneté et de leur créativité; l'absence de Teotihuacan ou de Chavin est anormale (et le fait que les Mayas seront traités dans le volume 2 renforce l'incompréhension). Ensuite, l'approche est régionale ou par aires culturelles; elle est par parties (kata meros comme aurait dit Polybe), et ce volume n'est donc pas un livre d'histoire globale, malgré les efforts de comparaison de Hermann Parzinger. Cela est fort important, car la Geschichte der Welt parvient à être une histoire globale après 1750, lorsque les volumes 4, 5, 6 sont structurés par des thèmes transversaux communs. Mais le volume 1 est conçu par aires culturelles et il est probable que le volume 2 à venir sur la période 600-1350 le sera également car le volume 3 sur les années 1350-1750 combine les analyses régionales avec un chapitre général insistant sur les connexions. Cela est tout à fait important car on peut en effet se demander si la méthode de l'histoire globale est applicable ou pertinente à toutes les époques. Si non, ce qui est le plus probable, cela signifie que l'histoire globale peut compléter mais non remplacer l'histoire universelle (voir sur ce sujet mon Histoire universelle ou histoire globale?, Paris, PUF, septembre 2018).
En conclusion, la Geschichte der Welt est actuellement la plus ambitieuse entreprise d'histoire mondiale avec la Cambridge World History (2015). Il faut remercier les Allemands de poursuivre, en la renouvelant, la tradition pluriséculaire de la Weltgeschichte. Toutefois si l'horizon eurocentrique des connaissances est bien dépassé dans ce premier volume, il est remplacé par une approche eurasiatique qui n'est pas encore pleinement satisfaisante.
Hervé Inglebert