Georg Wöhrle (Hg.): Die Milesier: Thales. Mit einem Beitrag von Gotthard Strohmaier (= Zeugnisse frühgriechischer Philosophie und ihres Fortlebens; Bd. 1), Berlin: De Gruyter 2009, 582 S., ISBN 978-3-11-019669-6, EUR 88,00
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Depuis longtemps, la communauté scientifique travaille infatigablement à une refonte des 'Fragmente der Vorsokratiker' de H. Diels et W. Kranz. Les chercheurs ont déjà publié de nombreux recueils de fragments d'un ou plusieurs penseurs présocratiques accompagnés souvent d'une traduction et de notes, sinon d'un commentaire, mais jusqu'à présent l'œuvre de Diels-Kranz n'a pas encore été remplacée dans son intégralité.
Le livre consacré à Thalès de Milet par G. Wöhrle et G. Strohmaier - le premier d'une série intitulée 'Traditio Praesocratica' - présente une collection moderne des restes de ce philosophe, qui se différencie nettement, dans le contenu et dans les principes, des 'Vorsokratiker' ("Die vorliegende Neuedition unterscheidet sich [...] in ihren Prinzipien wesentlich vom 'alten' Diels/Kranz [...] Es geht hier wohlgemerkt nicht darum, Diels' Verfahren zu kritisieren", 2). Wöhrle expose les critères de son édition dans les pages de l'introduction (1-6).
La série 'Traditio Praesocratica' se propose de documenter la 'Rezeption' ou 'Wirkungsgeschichte' des penseurs présocratiques "wie sie sich über die frühesten uns greifbaren Zeugnisse bis in Spätmittelalter hinein darstellt" (3). Dans le cas de Thalès et des autres philosophes Milésiens, on ne conserve pas de fragments, mais uniquement des témoignages, "im doppelten Sinne des Wortes, für die Lehre eben des betreffenden Philosophen und für die Perspektive des überliefernden Autors/Textes auf diese Lehre" (3). Le chapitre sur Thalès dans les 'Vorsokratiker' contenait 23 témoignages et 4 fragments. Le recueil de Wöhrle compte 592 témoignages classés par ordre chronologique en suivant les dates des sources antiques et médiévales qui transmettent les renseignements sur ce philosophe. Wöhrle et Strohmaier ont coupé les témoignages en tenant compte de leur contexte; les textes en grec, latin, arabe et persan n'ont pas (à part de rares exceptions) d'apparat critique, mais ils sont enrichis d'un 'Similienapparat' fort utile pour se repérer dans l'ensemble de ces matériaux. Une traduction allemande ou une paraphrase, accompagnée d'une brève présentation du contexte, est imprimée dans la page d'en face. Il n'y a que très peu de notes, mais un commentaire est en préparation par A. Schwab (I et 4 n. 3). Wöhrle et Strohmaier n'opèrent non plus de distinction entre tradition directe et tradition indirecte, ni entre témoignages biographiques et témoignages doctrinaires.
Les pages de Strohmaier ('Vorbemerkung zu syro-arabischen Tradition', 7-23) présentent une synthèse dense des problèmes de la transmission des Présocratiques (et pas seulement de Thalès) dans le monde arabe, ainsi que des difficultés liées à cette tradition et à son témoignage.
La contribution la plus importante de Strohmaier au volume est cependant et incontestablement l'édition accompagnée d'une traduction des textes sur Thalès repérés dans les œuvres des auteurs arabes et persans jusqu'à présent publiées (mais d'autres peuvent encore se cacher dans des manuscrits inédits). Ces passages sont disposés par ordre chronologique, intercalés entre les sources grecques et latines.
L'introduction s'achève par un troisième volet, 'Hinweise zur Benutzung des vorliegenden Bandes' de Wöhrle (24-25).
La collection des témoignages (27-487) est suivie d'une annexe (489-582) qui se décline en plusieurs chapitres, qui rendent un énorme service aux lecteurs, et dont il faut être vraiment reconnaissants aux deux éditeurs: Abkürzungen (491), Textausgaben der griechischen und lateinischen Autoren (par ordre alphabétique, 493-513), Textausgaben der arabischen Autoren (par ordre alphabétique, 515-516), Literatur zu den griechischen und lateinischen Autoren (517-521), Literatur zu den arabischen Autoren (523-528), Konkordanz ('Traditio Praesocratica'/'Fragmente der Vorsokratiker' et 'Fragmente der Vorsokratiker'/'Traditio Praesocratica', 529-530), Liste der Testimonien (par ordre chronologique, 531-551), Alphabetisches Autorenverzeichnis (553-557), Register der Personen und Orte (559-562), Register der Sachen und Begriffe (1. grec, 2. latin, 3. arabe/persan, 4. allemand: 559-582).
Il n'est pas possible de rendre compte dans le détail, dans le bref espace qui m'est accordé, des mérites et des défauts (très peu en vérité) de l'édition de Wöhrle et Strohmaier. Je ne signalerai que quelques (rares) points de désaccord concernant la disposition de quelques témoignages, ou de certains choix.
Je partage la décision des éditeurs de classer les témoignages de Thalès par ordre chronologique, mais je ne peux pas ne pas remarquer que cette méthode donne lieu à quelques incohérences: par exemple, l'auteur anonyme 'De Lesbo-De Nilo' (Th 560) est daté au XIIIe/XIVe s. et l'auteur du 'Gnomologium Vaticanum' (Th 564) au XIVe s.; tandis que les scholies à Lucien, Hésiode, Pindare et à Aristophane (Th 581-591) sont datées respectivement aux XIe, XIIe, XIIIe et XIIIe/XIVe siècles. Cela sans tenir compte que ces dates ne sont pas celles (présumées) de la rédaction de ces textes, mais celles des manuscrits qui les transmettent. Mieux aurait valu regrouper ces témoignages parmi les 'Anonyme Zeugnisse mit ungeklärter Datierung' (468-471).
Les éditeurs ont renoncé (mais pas complètement: voir Th 362, 552 et 564) à la tradition 'gnomologique' concernant Thalès à partir des raisons que W. n'omet pas d'expliquer (4-5 et 25). Mais si l'on retient des témoignages comme celui de Démétrios de Phalère sur les apophtegmes des Sept sages (Th 362) ou celui du 'Gnomologium Vaticanum' (Th 564), il aurait fallu recueillir aussi (au moins) les séries d'apophtegmes transmis sous le nom de Thalès dans les deux recueils byzantins publiés par Tziatzi-Papagianni (le livre est signalé dans la bibliographie, 521).
Un auteur/source, au moins (Klytos = Th 35), est probablement destiné à disparaître si, comme je le présume, il faut garder (avec Diels) dans le passage de Diogène Laërce qui le transmet (Diog. L. I 25 = Th 237) le texte des manuscrits (kaì autòs, sc. Thales personatus ap. Heraclidem).
Les éditions des sources utilisées ne sont pas toujours les plus récentes ni les plus fiables: Th. 24 (Andron d'Éphèse = FGrHistCont 1005 F 2); Th 52 (= CPF I 1*** 2T. Voir aussi 1T); Th 55 (les fragments de Lobon dans l'édition commentée de V. Garulli, Bologna 2004); Th 66 (Sosicrate de Rhodes dans l'édition de R. Giannattasio, I frammenti delle 'Successioni dei filosofi', Napoli 1989); Th 91 (= CPF I 1*** 3T); Th 97 (Aristoclès de Messine dans l'édition commentée de M. L. Chiesara, Oxford 2001); Th 102 (Pamphila dans l'édition de S. Cagnazzi, Bari 1997, qui propose aussi une intéressante conjecture); Th 566 (Minyes = FGrHistCont 1111 F 1).
Enfin: Th 92-93, il faut évidemment écrire pseudo-Héron. Le titre de la 'Philosophos historia' du pseudo-Galien est toujours traduit 'Historia philosophica' (mieux vaudrait 'H. philosopha').
Il s'agit de détails minimes qui montrent l'intérêt et l'attention avec lesquels j'ai lu le volume, et ne mettent nullement en doute la qualité et le haut niveau scientifique du travail ainsi que la qualité et l'importance de ce recueil des témoignages de la tradition antique et médiévale de Thalès.
Tiziano Dorandi