Ray Laurence / Simon Esmonde Cleary / Gareth Sears (eds.): The City in the Roman West, c. 250 BC - c. AD 250, Cambridge: Cambridge University Press 2011, XIV + 355 S., 74 Kt., 16 s/w-Abb., ISBN 978-0-521-70140-2, GBP 24,99
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Ray Laurence / Francesco Trifilò: Mediterranean Timescapes. Chronological Age and Cultural Practice in the Roman Empire, London / New York: Routledge 2023
Simon Esmonde Cleary: The Roman West, AD 200-500. An Archaeological Study, Cambridge: Cambridge University Press 2013
Ray Laurence / David J. Newsome (eds.): Rome, Ostia, Pompeii. Movement and Space, Oxford: Oxford University Press 2011
L'Empire romain était un monde de cités, et l'on peut difficilement écrire son histoire sans prendre en compte ce phénomène urbain. Mais les approches varient grandement, certaines se concentrant plus sur les aspects politiques de cette urbanisation, d'autres sur ses aspects matériels ou urbanistiques. La synthèse ici présentée s'intéresse avant tout la matérialité de ce phénomène, à la construction et au développement des villes, mais en l'intégrant dans une vision plus large n'oubliant pas d'analyser les conditions économiques, sociales, culturelles et politiques qui ont permis le développement et le maintien d'un réseau de cités.
Le propos est donc ambitieux, car les auteurs ont souhaité inclure non seulement l'Italie et les provinces de l'Occident méditerranéen (Narbonnaise, péninsule Ibérique, Afrique du Nord), mais également les provinces germaniques, les Trois Gaules ou la Bretagne, suivant en cela une tendance historiographique récente cherchant à comparer la situation dans des provinces à l'histoire très différente. [1] Les trois auteurs sont connus pour leurs travaux sur l'Italie, l'Afrique du Nord, l'Aquitaine et la Bretagne, mais on doit louer leur attention à ne pas négliger les autres régions (malgré certains tropismes bien compréhensibles). Leur collaboration permet ainsi d'offrir un panorama très large, et l'ouvrage qui en résulte est remarquablement cohérent, même si l'on perçoit souvent la plume et la personnalité de chaque auteur derrière certains passages.
Le livre s'organise autour de onze chapitres précédés d'une introduction, et s'équilibre entre les cinq premiers chapitres qui présentent les conditions historiques du développement urbain, et cinq autres chapitres étudiant les différentes composantes des villes romaines, le onzième étant conçu comme une vaste conclusion prenant de la distance pour proposer une "macro-theory of Roman urban development" (285) cherchant à expliquer les différents rythmes et tendances observées tout au long de l'ouvrage.
En effet, les auteurs prennent soin d'ouvrir leur exposé en rappelant la diversité de l'expérience urbaine dans les provinces occidentales et en rejetant une vision trop linéaire de l'urbanisation en Occident. L'introduction souligne en outre le lien entre urbanité et citoyenneté, dans quelques pages parfois un peu réductrices (4-6). Mais le propos des auteurs est clairement d'insister avant tout sur les répercussions culturelles de l'expérience urbaine, sur la "romanité" induite par la vie en cité, et sur la fragilité ou la durabilité de ce cadre urbain.
Le premier chapitre s'intéresse à la création d'une culture urbaine, et dissocie assez nettement la situation en Italie et dans le reste de l'Occident, en mettant l'accent sur l'impact de l'impérialisme romain dans la formation de l'idée même d'urbanisme. Les généraux et gouverneurs romains sont ainsi perçus comme des vecteurs et promoteurs d'une culture urbaine encore balbutiante, ce qui postule un investissement territorial beaucoup plus fort que celui qu'a finement analysé François Cadiou pour l'Hispanie. [2]
Le deuxième chapitre entreprend ensuite d'étudier un type de fondation urbaine bien particulier, les colonies. Par l'analyse croisée de plusieurs exemples, il parvient à faire saisir la diversité des contextes historiques et géographiques, et ainsi à souligner que derrière une vision unifiée de la colonisation se cachent des expériences fort différentes, allant des fondations républicaines en Italie aux déductions augustéennes provinciales, en passant par les distributions de terres aux vétérans des guerres civiles.
Le troisième chapitre cherche ensuite à poursuivre cette différenciation des villes, en soulignant différents éléments qui peuvent les rapprocher mais aussi contribuer à leur hiérarchisation, comme leur organisation politique, leur rôle fiscal, mais aussi leur rôle de marché ou leur proximité du pouvoir. Le chapitre suivant poursuit la réflexion en s'interrogeant sur la réception de l'idée de ville en Occident à l'époque impériale, et en mettant l'accent sur la diversité des réponses apportées localement. Les villes naissent et se développent de manière originale dans les différentes régions, mais en présentant des composantes récurrentes, comme un espace central, des sanctuaires ou des thermes. Ces aménagements étaient reliés par un réseau de rues dans le cadre d'une planification qui est justement questionnée dans le cinquième chapitre, qui entend mettre en garde contre une vision strictement planimétrique des villes et promouvoir un "urbanism at ground level" (116).
Tous ces chapitres plus généraux ou théoriques s'appuient sur une série d'exemples bien illustrés. Ils sont suivis des cinq chapitres étudiant l'évolution d'une série de composantes plus ou moins essentielles des villes : le réseau de rues, le mur d'enceinte et les temples, tout d'abord, puis le forum et la basilique, avant que ne soient envisagés les thermes, puis les théâtres (en relation avec les espaces sacrés), et enfin les amphithéâtres. Ces chapitres évoquent une série d'exemples mieux connus en optant pour une présentation en général géographique, qui veille néanmoins à situer les différents développements régionaux dans une perspective comparative permettant de mieux cerner les rythmes de la diffusion des types architecturaux.
Le volume peut alors se clore sur un dernier chapitre s'élevant au-dessus de la masse des données pour s'interroger sur les caractéristiques du réseau urbain, sur la durabilité d'un modèle urbain dépendant de la reproduction des élites et d'un habitus, et sur les rythmes d'une construction urbaine reposant sur la conjonction de l'économie naturelle, de l'économie politique et de l'économie de marché. Les auteurs parviennent ainsi à expliquer la singularité de certaines trajectoires provinciales, et notamment celle de l'Afrique proconsulaire, qui se démarque nettement des autres provinces occidentales par son dynamisme urbain au IIIe siècle.
Ce compte rendu ne peut malheureusement rendre compte de la profondeur de certaines analyses, et de la richesse des exemples proposés, qui feront de ce livre un manuel très utilisé dans l'enseignement universitaire. On regrettera parfois certains flottements, notamment pour les questions relatives au statut des cités provinciales, par exemple pour Italica (106-108), ou l'assimilation des procurateurs à des sénateurs (306), ou encore l'utilisation assez discutable d'un concept de civilitas (229). De même, l'exposé sur l'évolution des espaces civiques sépare sans doute trop nettement religion et institutions, et par conséquent fonctions civiles et religieuses, alors que les curies sont par exemple des espaces consacrés.
Les exemples appuyant la démonstration sont le plus souvent bien discutés, mais la nature synthétique de l'ouvrage explique sans doute certaines simplifications réductrices, comme pour l'évolution du forum de Conimbriga (179-180), et l'on déplorera quelques coquilles, comme l'emploi répété du féminin pour désigner Jean-Claude Golvin (263). L'illustration est en général de qualité, mais l'on notera l'inversion malheureuse des photographies éclairant la différence de perception qu'avaient les spectateurs du théâtre, en fonction des places qu'ils occupaient, liées à leur statut (76). Les plans ont pour la plupart été redessinés pour l'ouvrage, mais sans indiquer les publications dont ils sont extraits, ce qui est regrettable, tout comme l'est l'absence de planche permettant une comparaison à la même échelle de différents édifices.
Mais c'est là une contrainte imposée par le format d'un ouvrage qui se veut une synthèse ambitieuse et abordable, certainement destinée à devenir un manuel universitaire de qualité pour de nombreux étudiants. Leurs enseignants, et les chercheurs en général, trouveront certainement dans cet ouvrage stimulant des éléments susceptibles d'alimenter leurs propres réflexions sur la nature des cités romaines d'Occident : les auteurs n'ont pas confondu souci pédagogique et exigence intellectuelle, et l'on doit les en remercier.
Notes:
[1] Louise Revell : Roman Imperialism and Local Identities, Cambridge 2009.
[2] François Cadiou : Hibera in terra miles. Les armées romaines et la conquête de l'Hispanie sous la République (218-45 av. J.-C.), Madrid 2008.
Bertrand Goffaux