Susanne Jenks / Jonathan Rose / Christopher Whittick (eds.): Laws, Lawyers and Texts. Studies in Medieval Legal History in Honour of Paul Brand (= Medieval Law and Its Practice; Vol. 13), Leiden / Boston: Brill 2012, XXII + 416 S., ISBN 978-90-04-21248-0, EUR 164,00
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Paul Brand, à qui ces Mélanges sont offerts par ses anciens élèves et ses collègues, est comme chacun le sait un historien du droit qui a consacré l'essentiel de son œuvre à la justice en Angleterre dans un long XIIIe siècle dans tous ses aspects qui incluent les formes du gouvernement. Mais il a aussi été un archiviste au début de sa carrière, ce qui explique que son œuvre comporte à la fois des ouvrages historiques majeurs, à côté des très nombreux articles, et l'édition de nombreuses sources. L'introduction due à Barbara Harvey retrace brièvement la carrière et les caractères de l'Əuvre de Paul Brand qui doit, à partir de 2013, enseigner à l'université du Michigan.
Un thème récurrent à plusieurs articles est la formation et les usages de la Common Law, les rapports qu'elle a eu avec le droit romain et le droit canonique, évidemment dans quelle mesure le ius commune a-t-il ou pas influencé les juristes de la Common Law. Les praticiens de la justice sont pour leur part également largement à l'honneur dans ce volume.
John Hudson met en relation la clause 3 des Constitutions de Clarendon de 1164 avec les pratiques et la réforme de l'administration de la justice dans ces années. Elle s'inscrit avant tout dans le processus global du flux des affaires vers les cours royales et ne doit pas être seulement lue comme moyen de porter les causes des clercs criminels vers les tribunaux royaux. La contribution de Paul Hyams vise à déterminer la préhistoire de la tenure en fief avant qu'elle ne soit fixée clairement dès le commencement de la Common Law. Il commence son enquête avec la conquête de 1066 pour suivre l'évolution du fief où les exigences ont d'abord porté sur le vassal avant de porter sur la terre, quasiment sous la forme d'une taxe foncière, en nature et en argent. Bruce O'Brien porte un regard rétrospectif sur un des nombreux livres de loi copié dans la seconde moitié du XIIe siècle à l'époque même de la rédaction du recueil Glanvill. Se présentant elles-mêmes comme anglo-saxonnes ou datant de l'époque de la Conquête, leur déclin aurait dû être complet. L'auteur s'attache à montrer que les services qu'elles ont rendu aux praticiens a mitigé l'importance de leur déclin.
Richard Helmholz examine les ressemblances entre les rentes de la Common Law et le versement de pensions annuelles du droit canonique. Les premières, sous la forme du bref (writ) de rente, apparaissent à partir de la seconde moitié du règne d'Henri III et sous celui d'Edouard 1er, tandis que les secondes sont antérieures. L'auteur fait l'hypothèse que l'introduction du writ de rente dans la Common Law se comprend le mieux à la lumière de la pension annuelle, de nature canonique. David Ibbetson s'intéresse au déclin du droit civil et canonique sous le règne d'Edouard 1er (1272-1307) et de l'éventualité de sa complète disparition. C'est dans ce contexte qu'il situe le writ cessavit per biennum. Ibbetson montre qu'il est un emprunt, mais altéré, au droit civil et au droit canonique qui en ont fourni la matrice ; son rédacteur en avait donc une bonne connaissance, aussi a-t-il par ce moyen apporté une réponse anglaise à un problème anglais.
Henry Summerson étudie la loi et le crime d'arson entre 1200 et 1350 en évoquant d'abord les antécédents du terme « crime » appliqué à l'incendie volontaire et en montrant qu'il a toujours été considéré comme très grave et comme un crime civil. Alors que dans la période étudiée ce crime est assimilé à l'homicide et au vol, Summerson cherche à comprendre pourquoi, dans la pratique, l'incendie volontaire est très peu représenté parmi les accusations de crimes dans les cours de justice. David Carpenter étudie les relations entre les Juifs et la monarchie anglaise à partir du contexte de l'année 1255 où, selon le récit qui en a été fait, un jeune chrétien aurait été crucifié par les Juifs de Lincoln. Le fait est considéré comme marquant un glissement dans ces relations vers l'expulsion finale de 1290. L'auteur cherche à observer les pressions qui se sont exercées sur le roi Henri III ainsi que les préoccupations et les priorités qui étaient les siennes en cette année.
David Crook choisit de retracer la biographie de Robert de Lexington qui fut notamment justicier senior entre 1236 et 1251 et qui a constamment exercé ses fonctions au service de l'administration royale. Le choix est ici dicté par le fait que ce personnage, qui a été un des juges les plus importants de la première moitié du XIIIe siècle en Angleterre, a échappé à la sagacité de l'historien et archiviste Cecil Meekings dont l'œuvre vient d'être publiée récemment en 2010. John Baker s'intéresse aux contrats et à la loi de preuve entre 1290 et 1321 ; il n'existe aucune indication explicite avant la première de ces dates d'une règle exigeant un acte. Il se demande donc pourquoi et comment les cours centrales de la Common Law en sont venues à faire reposer la preuve du contrat sur un écrit scellé. Sandra Raban met l'accent sur les agents de la justice à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe en exploitant une source exceptionnelle pour cette question, en l'occurrence quatre registres de rôles de comptes provenant de l'abbaye de Peterborough parvenus jusqu'à nous. Ils offrent la possibilité d'observer ce milieu à travers les pensions et les rétributions qui leur étaient versées.
Charles Donahue Jr choisit également d'observer les professions juridiques, cette fois en focalisant le regard sur leur diversité au XIVe siècle en Angleterre. Il établit en particulier, grâce à une étude fondée sur la prosopographie, une comparaison entre la nature des revenus et la carrière des sergents de la Cour commune (Common Bench) et celles des canonistes qui exerçaient une fonction judiciaire. Susanne Jenks examine deux ordonnances (De minis et Supplicavit) pour faire l'histoire des garanties de paix. Celles-ci désignent les garanties individuelles de paix octroyées par le roi et par lesquelles il prend sous sa protection particulière les sujets qui se sont ouvertement déclarés menacés ou en danger. Ce principe est nettement attesté à partir de la fin du XIIIe siècle quoiqu'il ait dû apparaître nettement avant. L'auteur qui l'étudie jusqu'au XVe siècle cherche à mettre en valeur l'important glissement dont témoigne ce système, du principe fondé sur la réputation de l'individu à un autre fondé sur des sanctions pécuniaires. Janet Loengard s'intéresse à la législation relative aux constructions qui soit privaient de la lumière du jour les habitations voisines, soit permettaient d'avoir une vue directe dans les habitations d'autrui. Loengard décrit les différents types d'action que permettait la Common Law au cours des procès qui avaient lieu dans les cours de la fin du Moyen Âge en Angleterre.
Jonathan Rose étudie un cas d'organisation de sa propre succession à la fin du Moyen Âge à travers l'exemple d'un riche chevalier , sir John Fastolf. Son étude permet de soulever la question de savoir dans quelle mesure les hommes de cette époque pouvaient s'assurer que leur volonté serait exécutée. Celle de son héros fut en effet contestée par l'évêque de Winchester et, au total, les projets de John Fastolf échouèrent. Sarah Tullis étudie la postérité du traité Glanvill, daté entre 1187 et 1189, qui fut encore activement copié au XIVe siècle. Elle décrit les usages du traité dans les cours de justice et dans d'autres lieux à partir du XVe siècle en Angleterre et dans l'Amérique coloniale. Enfin Robert Palmer détaille l'élaboration du vaste projet destiné à numériser la documentation, l'Anglo-American Legal Tradition website project (AALT) et sous quelles formes ces documents numérisés seront rendus accessibles au public.
Bruno Lemesle