Christian Mann: Militär und Kriegsführung in der Antike (= Enzyklopädie der griechisch-römischen Antike; Bd. 9), München: Oldenbourg 2013, IX + 168 S., ISBN 978-3-486-59682-3, EUR 24,80
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Ce petit volume, qui est consacré à l'art de la guerre chez les Grecs et les Romains, fait partie d'une encyclopédie; l'auteur a donc été tenu de respecter des règles de présentation et de volume. Les concepteurs du programme ont bâti leurs ouvrages sur le modèle de la collection française "Nouvelle Clio", en réduction et en trois parties: dans cette collection, on trouve d'abord un tableau historique (2-57), puis les principaux problèmes et les tendances de la recherche actuelle (59-135), et enfin une bibliographie (137-158); seule originalité, deux brefs index permettent de retrouver les grands auteurs, les noms de lieu et les noms communs (161-168).
Le texte de synthèse est logiquement divisé en deux parties, la Grèce et Rome. Pour les Grecs (p2-31), l'auteur part, toujours très logiquement, d'Homère; l'Iliade est le premier livre d'histoire militaire écrit en Occident. Puis il étudie la phalange hoplitique, les armées de Sparte et d'Athènes, cette dernière cité étant en outre spécialisée dans la guerre navale. Il accorde une attention particulière à la poliorcétique et à Alexandre le Grand. Rome reçoit un moindre traitement (31-57), et la description se soumet à la chronologie: République, Principat et Bas-Empire. Pour chacune de ces périodes, l'auteur présente une même thématique, ou à peu près semblable, car il sait s'adapter à la diversité des situations et aux nécessités de la littérature disponible. Il décrit l'organisation en unités, le recrutement, l'armement et la tactique, qui sont à l'évidence étroitement liés, la religion et la notion de juste guerre, l'exercice, le rôle politique et économique de l'armée. Chaque fois, pourtant, il sait consacrer un paragraphe spécifique à tel ou tel aspect du sujet. Ainsi, pour la République, il parle de Marius.
Cet ouvrage n'est pas sans qualités, et on louera l'auteur qui a su mêler habilement la chronologie et la thématique: c'est un vrai travail d'historien. Ce jugement est, en outre, justifié par de nombreux passages qui montrent une bonne connaissance de la problématique la plus moderne; deux exemples justifieront ce propos. Un paragraphe est consacré à la question de la stratégie (117-118). E. N. Luttwak avait consacré un livre à "la grande stratégie" de l'empire romain; cet ouvrage, très bien accueilli dans un premier temps, a ensuite été critiqué, quand les lecteurs se sont aperçus que Luttwak avait travaillé de seconde main, qu'il était politiquement engagé et que son engagement n'était pas "politiquement correct". C.R. Whittaker et B. Isaac ont mené l'assaut. Ils pensent que les anciens ne pouvaient pas avoir de stratégie du tout parce qu'ils n'avaient pas les moyens d'information disponibles actuellement. Comme ses critiques ne sont pas tout-à-fait infondées, bien qu'excessives, et comme Luttwak a conservé de nombreux fidèles, nous avons nous-même proposé d'employer une autre expression, la "petite stratégie". Chr. Mann a aussi abordé la question du "visage de la bataille"; c'est un deuxième exemple à présenter. Le colonel Charles Ardant du Picq, mort au combat en 1870, avait attiré l'attention sur l'intérêt qu'il y a à étudier les simples soldats et il avait expliqué que ces derniers, allant au combat, ressentaient de la peur. John Keegan, récemment décédé, avait contracté une dette à l'égard de Ch. Ardant du Picq (il l'a très honnêtement reconnu) et il avait repris cette problématique dans un ouvrage que tout historien de la guerre devrait posséder dans sa bibliothèque, où il a décrit "le visage de la bataille". Chr. Mann lui consacre une notice (61) qui montre sa bonne connaissance de la problématique et des publications.
S'il faut apporter un bémol au concert de louanges que l'on vient de lire, il faut en faire porter la faute aux éditeurs: le sujet est trop vaste et beaucoup de thèmes sont seulement survolés. Deux exemples illustreront ce propos, la tactique des Grecs et l'exercice des Romains. Au Ve siècle avant notre ère, les hoplites se répartissaient en trois groupes, une aile droite, un centre et une aile gauche. La main droite étant naturellement plus forte que la gauche, les combattants tournaient vite dans le sens contraire aux aiguilles d'une montre, comme une mêlée de rugby, ce qu'on appelait l'othismos. Épaminondas (19-20 et 82-83) eut l'idée de renforcer considérablement son aile gauche pour bloquer le mouvement et détruire plus rapidement les ennemis qui lui faisaient face de ce côté. Il put ainsi remporter deux victoires éclatantes et célèbres, à Leuctres en 371 et à Mantinée en 362. Alexandre le Grand, au contraire, renforça son aile droite pour anéantir plus vite les adversaires plus faibles qui se trouvaient en vis-à-vis; par la suite, ce choix inspira César. Ce qui nous paraît important, c'est que la tactique d'Alexandre et donc de César n'aurait pas pu être inventée si Épaminondas n'avait pas eu l'idée géniale de changer, de bloquer la mêlée. Terminons par les Romains. La pratique de l'exercice comme formation initiale et continue explique en partie leurs succès. Dans ce livre, la place a manqué pour en parler vraiment; il est réduit à l'escrime et à la marche (45). En réalité, il comprenait trois éléments, du sport, des exercices individuels et des manœuvres.
On aura compris que ce petit livre devrait rendre service à tous les historiens qui rencontrent sur leur chemin la guerre, que ce soit chez les Grecs ou chez les Romains.
Yann Le Bohec