Rezension über:

Lorenzo Tanzini: Una Chiesa a giudizio. I tribunali vescovili nella Toscana del Trecento (= I libri di Viella; 362), Roma: viella 2020, 343 S., ISBN 978-88-3313-456-7, EUR 29,00
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Rezension von:
Véronique Beaulande-Barraud
Université Grenoble-Alpes
Redaktionelle Betreuung:
Ralf Lützelschwab
Empfohlene Zitierweise:
Véronique Beaulande-Barraud: Rezension von: Lorenzo Tanzini: Una Chiesa a giudizio. I tribunali vescovili nella Toscana del Trecento, Roma: viella 2020, in: sehepunkte 21 (2021), Nr. 10 [15.10.2021], URL: https://www.sehepunkte.de
/2021/10/35184.html


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Lorenzo Tanzini: Una Chiesa a giudizio

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Lorenzo Tanzini aborde dans ce livre la justice « spirituelle » des évêques toscans au XIVe siècle. Les tribunaux évoqués correspondent à ce qu'on appelle en France les officialités, en Angleterre les Church courts, qui exercent la juridiction reconnue à l'Église rationae personae sur les clercs, rationae materiae sur les laïcs dans des causes relatives à l'Église et aux sacrements (dont le mariage). L'ouvrage s'inscrit donc dans une tradition historiographique bien établie ; si L. Tanzini l'évoque dans l'introduction, en insistant notamment sur le poids de l'histoire du droit et la moindre connaissance des pratiques, le tableau proposé, tout comme la bibliographie, sont un peu lacunaires. L'auteur ignore ainsi le volume Les officialités au Moyen Âge et à l'époque moderne. Des tribunaux pour une société chrétienne (dir. V. Beaulande-Barraud et M. Charageat, Turnhout, Brepols, 2014), qui donne des exemples pour une grande partie de la chrétienté latine, ou, hors des officialités mais sur les questions du gouvernement épiscopal, de P. Vuillemin sur Venise. Il semble ainsi, en tout cas pour le nord de l'Europe, sous-estimer la compétence maintenue en matière criminelle des officialités jusqu'à la fin du XVe siècle et plusieurs remarques comparatives demanderaient à être nuancées, notamment dans les chapitres 1 et 3.

Quoiqu'il en soit, l'ouvrage présente de nombreux intérêts et qualités. Le premier est la très grande attention portée aux sources et à leurs spécificités, dans une véritable approche d'histoire de l'écrit, qui manque encore largement aux travaux sur l'histoire de la justice en général, de la justice spirituelle en particulier. Le lecteur ne peut, en le lisant, que regretter l'absence d'un état des sources manuscrites réellement clair et détaillé, même si le chapitre 1 permet d'en mesurer l'étendue et si tout le propos revient régulièrement sur cette question.

Le livre est divisé en 5 chapitres d'inégale importance. Le premier, peut-être le plus intéressant et novateur, porte sur la documentation et la procédure. Si le rappel de celle-ci et du rôle de l'évêque comme juge ne présente pas d'originalité majeure, les pages sur la typologie documentaire sont remarquables et novatrices. La mise en registre est relativement tardive par rapport aux institutions communales (XIVe siècle plus que XIIIe siècle) - mais peut sembler précoce au regard de la documentation française des officialités. L. Tanzini montre comment on passe d'un classement chronologique des actes à la constitution de dossiers documentaires, par affaire (fin XIIIe siècle), avant une structuration en différents registres seulement dans la deuxième moitié du XIVe siècle (diocèse de Lucques ; d'autres diocèses, comme Florence et Sienne, ont conservé une structure documentaire moins ferme jusqu'à la fin du siècle). Il montre les savoir-faire à l'œuvre et la manière dont la mise par écrit des procédures traduit le gouvernement épiscopal et notamment le disciplinement des clercs mis en œuvre par les prélats.

Le chapitre 2 porte sur les institutions et les hommes. Il rappelle le fonctionnement des cours étudiées, mais au-delà, et c'est ce qui en fait l'intérêt, il s'intéresse à tous les acteurs de cette justice et les place dans le contexte socio-politique de la Toscane du XIVe siècle. Les pages sur les vicaires - l'Italie n'a pas d'officiaux - sont riches. La variété des profils est soulignée : ce sont des clercs locaux, chanoines de la cathédrale ou titulaires de pieve ; ou au contraire des clercs extérieurs au diocèse, provenant notamment d'Italie centrale dont ils arrivent en même temps que l'évêque. La majorité est graduée de l'université, principalement en droit canonique ou in utroque, exceptionnellement en théolologie, selon un schéma classique. Certains passent d'un siège à l'autre, donnant un exemple de la circulation des compétences là encore connue ailleurs. Plusieurs deviennent évêques à leur tour. Tout ce passage appelle à de nouveaux travaux sur vicaires et officiaux, pour mieux cerner ces figures essentielles du gouvernement de l'Église locale.

L'autre passage du chapitre particulièrement intéressant porte sur les conseillers du juge. En effet, contrairement à la documentation française ou anglaise, le contenu du conseil et les noms des juristes qui l'ont formulé sont régulièrement transcrits dans les sources toscanes. On trouve des religieux, des membres de grandes familles, des laïcs, notamment des juges ; la plupart ont reçu une formation en droit, mais quelques théologiens sont mentionnés. On voit donc ici tout un monde qui gravite autour du vicaire et dont l'expertise est sollicitée pour prendre la meilleure décision possible.

Les trois autres chapitres portent sur les causes jugées elles-mêmes. Le chapitre 3, sur les clercs jugés, montre que l'activité des cours toscanes rejoint largement ce qu'on connaît ailleurs, sur la violence et les pratiques sexuelles des clercs notamment. Certains passages sont peu clairs, notamment celui sur ceux que l'auteur qualifie de « faux clercs », parce qu'ils ont des comportements considérés comme laïcs, alors qu'il serait plus judicieux de replacer ces comportements dans la question de la sociabilité ordinaire du bas clergé. Le traitement pénal de ces questions peut également sembler un peu survolé et le vocabulaire canonique n'est pas toujours utilisé à bon escient (notion d'irrégularité). Les éléments de comparaison sont ici insuffisants, et la notion de scandale pas assez mobilisée.

L'attention aux limites de la documentation en revanche est importante et la conclusion revient, à juste titre, sur le rôle de régulation sociale de la cour, rôle manifesté par la structure même de cette documentation et notamment l'organisation en dossiers précédemment évoquée.

Le chapitre 4 est bien plus intéressant. Abordant les relations entre les prêtres et la communauté paroissiale, il dépasse la question judiciaire et propose une approche fine de la communauté paroissiale vécue. Il montre ainsi que la paroisse peut porter plainte collectivement contre un prêtre indigne, ou devenir à son tour une réalité conflictuelle, à partir du moment notamment où elle possède le droit de présentation à la cure : des partis se forment en son sein et s'opposent sur le choix du desservant. L. Tanzini souligne l'attention que la communauté paroissiale porte aux réalités matérielles de la paroisse, en abordant l'accusation de dilapidation portée à l'encontre des prêtres, et évoque les différents personnages jouant un rôle dans cette communauté. On voit bien ici comment la paroisse existe comme corps, social, politique et religieux, avec lequel l'évêque doit compter même pour son entreprise de correction du clergé.

Enfin, le dernier chapitre évoque les laïcs jugés par les évêques. Son aspect le plus original concerne l'activité des cours en matière de vérification des testaments, pour assurer la restitution des profits usuraires, comme les archives lucquoises en témoignent particulièrement - Lucques où la fonction de « procureur des pauvres », chargé d'utiliser ces sommes au profit des pauvres, reste épiscopale jusqu'à la fin du siècle. Les éléments sur le mariage sont plus classiques, abordant les « mariages présumés » comme les séparations pour sévices. Quelques remarques sur la foi des fidèles peuvent être faites à partir de cette documentation, mais de manière biaisée, indirecte ; ce n'est finalement pas l'objet de la juridiction pénale de l'évêque.

La conclusion offre une belle synthèse de ce qui précède et s'achève sur la richesse de la documentation étudiée : c'est là sans doute l'apport essentiel de l'ouvrage, avoir mis à jour et valorisé une masse documentaire dont la richesse est indéniable et qui méritera d'autres études. Au-delà, L. Tanzini invite tous les spécialistes des justices d'Église à faire une histoire des écrits produits par les cours et soulève des perspectives passionnantes.

Véronique Beaulande-Barraud