Martin Hall (ed.): John of Garlands De triumphis Ecclesie. A new critical edition with introduction and translation (= Studia Artistarum; Vol. 44), Turnhout: Brepols 2019, 417 S., 10 Farbabb., ISBN 978-2-503-58511-6, EUR 85,00
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La nouvelle édition De triumphis Ecclesie que nous offre Martin Hall dans la collection Studia artistarum et qu'il accompagne d'une traduction anglaise, première traduction dans l'histoire de ce texte, a le mérite et l'ambition de mieux faire connaître Jean de Garlande au grand public. Ce grand poème épique, de style élégiaque, rédigé avant 1253, relate les événements de son temps, de 1195 jusqu'aux années 1250 en l'espace de 4602 vers. Il est composé de huit livres, mais l'ensemble pourrait être inachevé. Quoi qu'il en soit, il est écrit et réécrit, constamment, hâtivement, selon les mœurs des médiévaux.
Après un court prologue, l'auteur y décrit les guerres territoriales et le conflit franco-anglais (Livre I), l'exhortation à la croisade (L. II), les exploits et les défaites de Richard Cœur de Lion, Bouvines, Lincoln, Saintes et Taillebourg (L. III), la croisade des Albigeois (L. IV), l'accès au trône de Louis IX, le traité de Paris, la fondation du studium de Toulouse (L. V), les années d'enseignement de Jean de Garlande à Toulouse, le fonctionnement du studium, l'arrivée des Dominicains (L. VI), l'invasion mongole, le concile de Lyon, la déposition de Frédéric II, la construction de la Sainte-Chapelle (L. VII), l'expédition d'Égypte (L. VIII).
Martin Hall présente le texte en quelque 90 pages : vie et œuvres de Jean de Garlande, manuscrit de référence pour l'édition, le poème lui-même avec son résumé, sa datation, sa réception ; les influences littéraires et les sources ; l'enseignement de Jean de Garlade, les thématiques (Église, Croisade, conflit franco-anglais, conflit entre le pape et l'Empereur, les hérétiques, les mongols, les juifs, la septième croisade). La présente édition est historiquement annotée et commentée, grâce à une riche bibliographie. Le texte est traduit en un anglais simple et clair. L'édition, quant à elle, s'appuie sur un seul manuscrit, le London, British Library, MS Cotton claudius, A X, f. 67r-113v, du nom de son célèbre possesseur, le collectionneur du XVIIe siècle, Sir Robert Cotton (1571-1631). Le manuscrit contient d'autres œuvres de Jean de Garlande, notamment l'Epithalamium. C'est Thomas Wright qui découvre le manuscrit en 1842. Il en édite le contenu en 1856. Première et unique édition, l'édition de Wright, aujourd'hui numérisée, est le support de la présente réédition.
Le volume s'inscrit dans la mouvance des travaux récents qui reprennent à nouveaux frais les œuvres du clerc anglais, après les travaux pionniers, dans les années 1920, de Louis J. Paetow (1880-1928). Paetow, disciple de Haskins et Munro autour de la "renaissance médiévale", fut l'un des premiers à s'intéresser au De triumphis Ecclesie de Jean de Garlande, à la faveur de ses études sur les croisades. Récemment, plusieurs œuvres de Jean de Garlande, notamment le pan grammatical et rhétorique de son corpus, furent rééditées : le Compendium grammaticae (1995) par Thomas Haye ; l'Ars Lectoria Ecclesie (2003) et le Clavis Compendii (2008) par Elsa Marguin-Hamon ; le Carmen de Misteriis Ecclesie (2004) par Ewald Könsgen. Une traduction anglaise de l'Epithalamium est en cours d'édition par les soins de Rachel Fulton Brown. En 2006, Elsa Marguin-Hamon dresse une liste exhaustive de tous les manuscrits relatifs à l'œuvre de Jean de Garlande. Par ailleurs, son œuvre de musicologie est également revisitée, sur les suggestions de Pascale Duhamel concernant le De plana musica et le De mensurabili musica (2012).
La réédition du De triumphis Ecclesie s'offre donc comme une œuvre centrale, véritable mine d'informations pour l'étude des croisades, de la fondation du studium de Toulouse et des premières années de son enseignement, en lien avec les Dominicains, plus largement pour la mise en place de l'enseignement universitaire dans la première moitié du XIIIe siècle, pour les relations diplomatiques entre la France et l'Angleterre, d'une part, entre la papauté et Frédéric II d'autre part, pour la renaissance culturelle des XIIe et XIIIe siècles appuyée sur les classiques dont Ovide, Virgile, Lucain ou encore Horace sont les références majeures de Jean de Garlande, pour le genre du poème épique sur le modèle de l'Énéide mais aussi en écho aux productions plus contemporaines comme celles de Joseph d'Exeter, Bellum Torianum (années 1180), de Walter de Châtillon (l'Alexandreis, c. 1179-1179), d'Alain de Lille (Anticlaudianus, c. 1182), de Jean de Hauteville (Architrenius, c. 1184) ou encore de Gilles de Paris (Karolinus, 1200), et de Guillaume le Breton (Philippide, 1225). Une précieuse édition donc pour un non moins fascinant texte.
Bénédicte Sère