Sarah E. Thomas (eds.): Bishops' Identities, Careers, and Networks in Medieval Europe (= Medieval Church Studies; Vol. 44), Turnhout: Brepols 2021, X + 314 S., 6 s/w-Abb., 10 Tbl., ISBN 978-2-503-57910-8, EUR 85,00
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Le présent volume, issu d'une conférence tenue à Aberdeen en mai 2017, sélectionne treize des trente-six communications de cette rencontre : le choix de se concentrer sur la fin du Moyen Âge donne à cette sélection sa cohérence. L'éditrice, Sarah E. Thomas, est une spécialiste des structures ecclésiastiques de l'Europe du Nord, Angleterre et Norvège notamment. Elle est également porteuse du projet AHRC 'A Prosopographical Study of Bishops' Careers in Northern Europe', lequel donne son sens au présent volume. En effet, il s'agit bien de mettre en perspective les carrières des évêques à la fin du Moyen Âge, dans l'espace septentrional selon le projet AHRC (Iles britanniques, Scandinavie et Atlantique du Nord) et, ici, dans l'espace méridional pour la complétude du volume.
C'est ainsi que les treize communications parcourent l'ensemble de l'Occident médiéval : Angleterre (Katherine Harvey), Portugal (Herminia Vasconcelos Vilar), Italie (Stefano G. Magni, Fabrizio Pagnoni pour Volterra, Jacopo Paganelli pour la Toscane), France du Nord (Christine Barralis pour le diocèse de Meaux), Pologne (Jacek Maciejewski), Castille (Aida Portilla Gonzalez pour Sigüenza, Fernando Gutiérrez Banos pour Salamanque et Susana Guijarro pour Burgos), Norvège (Steinar Imsen), aire vénitienne avec Split (Miso Petrovic), Suède (Kirsi Salonen). Outre ce vaste panorama, les approches des auteurs visent à articuler entre eux quatre thèmes : 1. La prosopographie des cohortes d'évêques, 2. Les réseaux épiscopaux, 3. Les biographies d'individus particuliers, 4. Les relations avec la papauté. Pour le dire autrement, trois générations d'approches se combinent chez des chercheurs, somme toutes, assez jeunes (PhD ou post-doc pour la plupart), ou, selon les méthodologies, des chercheurs plus installés. Il y a en effet, l'approche biographique, renouvelée dans sa méthode depuis les années 1970-1980 grâce notamment à Carlo Ginzburg et Giovanni Levi ; ensuite, l'approche prosopographique particulièrement adaptée aux documentations diocésaines, notamment par la constitution de cohortes ; le prolongement de l'approche prosopographique en SNA (Social Network Analysis) enfin qui met plus en valeur les interdépendances et les liens entre les acteurs sociaux. Le mot d'ordre est bien de repérer les réseaux pour comprendre l'ascension sociale des hommes et leur parcours.
Il ressort des études de cas que, pour devenir évêque, plusieurs facteurs deviennent décisifs à la fin du Moyen Âge : le service royal (par exemple à Meaux), les réseaux familiaux, surtout les élites nobiliaires et oligarchiques ou ce que l'on peut appeler le népotisme (un court-circuit des promotions capitulaires), la formation universitaire (en lien avec le service de l'administration royale notamment), l'action des pontifes (avant le Grand Schisme du moins). Souvent, c'est l'interaction de l'ensemble de ces facteurs qui expliquent les promotions fulgurantes de certaines figures, dont, ici, Luis de Acuna se révèle être un paradigme (Susana Guijarro).
Le volume s'inscrit donc dans le renouvellement récent des travaux sur les évêques, leurs réseaux, leurs carrières et leur gouvernement à la fin du Moyen Âge, dans la lignée des études de Julia Barrow pour une époque plus haute, de Nicholas Vincent, de Vincent Tabaggh ou encore de Sophie T. Ambler plus récemment (2017). Si les apports du volume ne sont pas bouleversants par rapport à ce que l'on savait déjà, son mérite vise plutôt à décloisonner les historiographiques très nationales et à faire communiquer les acquis de chaque aire géographique pour l'ensemble du sujet.
Bénédicte Sère